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en France ; mais quand vous l’aurez un peu corrigée par le moyen que je vous indique, et avec les secours d’un correcteur habile, je ferai entrer dans Paris tant d’exemplaires que vous voudrez, et je vous procurerai un débit très-avantageux.

Je comptais vous parler de tout cela à Dresde au mois d’octobre prochain, et j’avais surtout la plus forte envie de faire ma cour à madame la princesse royale. J’étais venu en Allemagne dans l’espérance d’admirer de plus près cette princesse, qui fait tant d’honneur à l’esprit humain et qui étonne également la France et l’Italie ; mais je suis obligé de retourner en France, et ce ne sera que l’année prochaine que je pourrai contenter le désir extrême que j’ai toujours eu de me mettre aux pieds de cette respectable princesse. Si vous pouvez, par quelque voie, lui faire parvenir mes sentiments, je vous serai beaucoup plus obligé encore que de la réforme que je demande à votre édition.

Je suis tout à vous.

Voltaire,
chambellan du roi de Prusse.

2127. — À MADAME DE FONTAINE.
À Berlin, le 23 septembre.

Quand vous vous y mettez, ma chère nièce, vous écrivez des lettres charmantes, et vous êtes, en vérité, une des plus aimables femmes qui soient au monde. Vous augmentez mes regrets, vous me faites sentir toute l’étendue de mes pertes. J’aurais joui avec vous d’une société délicieuse ; mais enfin j’espère que malheur sera bon à quelque chose. Je pourrai être plus utile à votre frère[1] ici qu’à Paris. Peut-être qu’un roi hérétique protégera un prédicateur catholique. Tous chemins mènent à Rome, et puisque Mahomet m’a si bien mis avec le pape, je ne désespère pas qu’un huguenot ne fasse du bien au prédicateur des carmélites.

Quand je vous dis, mon aimable nièce, que tous chemins mènent à Rome, ce n’est pas qu’ils m’y mènent. J’avais la rage de voir cette Rome et ce bon pape[2] que nous avons ; mais vous et votre sœur vous me rappelez en France ; je vous sacrifie le saint-père. Je voudrais de même pouvoir vous faire le sacrifice du roi de Prusse ; mais il n’y a pas moyen. Il est aussi aimable

  1. L’abbé Mignot.
  2. Benoit XIV (Lambertini).