Les beaux chevaux du dieu du jour
Vous ont cédé leur ministère ;
Vous conduirez le dieu son frère,
De Versailles à cette cour.
Que Rabican, que Parangon
Seraient piqués de jalousie
S’ils voyaient que dans ce canton
Fringants, à force réunie,
Vous mènerez, de l’Hélicon,
Le dieu du goût et du génie.
Vos destins seront glorieux ;
Ce dieu, sentant son âme émue,
Vous délivrant de la charrue,
Daignera vous placer aux cieux.
L’astronome à quelque heure indue,
De sa lunette à longue vue
Examinant le firmament.
Frappé d’extase en vous voyant,
Pourra penser assurément
Que la lunette a la berlue.
Voilà ce que j’ai dit aux chevaux qui auront l’honneur de vous conduire. On dit que la langue allemande est faite pour parler aux bêtes ; et, en qualité de poëte de cette langue, j’ai cru ma muse plus propre à haranguer vos chevaux de poste qu’à vous adresser ses accents. Vous êtes à présent armé de toutes pièces, de voiture, de passe-port, et de tout ce qu’il faut à un homme qui veut se rendre de Paris à Berlin ; mais je crains que vous ne soyez prodigue de votre temps à Paris, et chiche de vos minutes à Berlin. Venez donc promptement, et souvenez-vous qu’un plaisir fait de bonne grâce acquiert un double mérite.
Pourquoi suis-je ici ? pourquoi vais-je plus loin ? pourquoi vous ai-je quittés, mes chers anges ? Vous n’êtes point mes gardiens, puisque me voilà livré au démon des voyages ;
Deteriora sequor · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
M. le duc d’Aumont vous écrit sans doute aujourd’hui que Lekain[1] aura son ordre quand il voudra. Je conseille à Mme Denis
- ↑ Si l’on en croit Longchamp (Mémoires, article xxvii), ce fut lui qui fit connaître Lekain à Voltaire. D’autres prétendent que ce fut Baculard d’Arnaud, au mois de février 1750, époque où Henri-Louis Lekain, fils d’un orfèvre de Paris,