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2086. — À MADAME LA MARQUISE DE MALAUSE[1].
À Sceaux, ce dimanche.

Aimable Colette, dites à Son Altesse sérénissime qu’elle souffre nos hommages et notre empressement de lui plaire. Il n’y aura pas, en tout, cinquante personnes au delà de ce qui vient journellement à Sceaux. Mme  la duchesse du Maine est bien bonne de croire qu’il ne lui convienne plus de donner le ton à Paris ; elle se connaît bien peu. Elle ne sait pas qu’un mérite aussi singulier que le sien n’a point d’âge ; elle ne sait pas combien elle est supérieure même à son rang. Je veux bien qu’elle ne donne pas le bal ; mais, pour des comédies nouvelles, jouées par des personnes que la seule envie de lui plaire a faites comédiens, il n’y a qu’un janséniste convulsionnaire qui puisse y trouver à redire. Tout Paris l’admire et la regarde comme le soutien du bon goût. Pour moi, qui en fais ma divinité, et qui regarde Sceaux comme le temple des arts, je serais au désespoir que la moindre tracasserie pût corrompre l’encens que nous lui offrons et que nous lui devons.

Mille tendres respects. V.


2087. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE[2].
Potsdam, 24 mai.

Pour une brillante beauté
Qui tentait son désir lubrique,
Jupiter avec dignité
Sut faire l’amant magnifique.
L’or plut, et son pouvoir magique
De cette amante trop pudique
Fléchit l’austère cruauté.

Ah ! si, dans sa gloire éternelle,
Ce dieu si galant s’attendrit
Sur les appas d’une mortelle
Stupide, sans talent, mais belle.
Qu’aurait-il fait pour votre esprit ?

Pour rendre son ciel plus aimable,
Près d’Apollon, près de Bacchus,

  1. Marie-Françoise de Maniban, mariée, en 1729, à Louis-Auguste de Bourbon, marquis de Malause, mort en décembre 1741.
  2. Cette lettre a été imprimée pour la première fois dans le Magasin encyclopédique rédigé par Millin, Paris, 1799, tome Ier, page 103. Elle a été depuis réimprimée dans d’autres éditions avec quelques changements dans les vers.