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davantage. Mettez, je vous en prie, selon votre coutume philosophique, la majesté à part, et souffrez que je vous dise que je ne veux pas vous être à charge. Je ne peux ni avoir un bon carrosse de voyage, ni partir avec les secours nécessaires à un malade, ni pourvoir à mon ménage pendant mon absence, etc., à moins de quatre mille écus d’Allemagne. Si Mettra, un des marchands correspondants de Berlin, veut me les avancer, je lui ferai une obligation, et le rembourserai sur la partie de mon bien la plus claire, qu’on liquide actuellement. Cela est peut-être ridicule à proposer ; mais je peux assurer Votre Majesté que cet arrangement ne me gênera point. Vous n’auriez, sire, qu’à faire dire un mot à Berlin au correspondant de Mettra, ou de quelque autre banquier résidant à Paris : cela serait fait à la réception de la lettre, et quatre-jours après je partirais. Mon corps aurait beau souffrir, mon âme le ferait bien aller ; et cette âme, qui est à vous, serait heureuse. Je vous ai parlé naïvement, et je supplie le philosophe de dire au monarque qu’il ne s’en fâche pas. En un mot, je suis prêt ; et si vous daignez m’aimer, je quitte tout, je pars, et je voudrais partir pour passer ma vie à vos pieds.


2083. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON[1].
À Sceaux, ce 8 mai.

N’en disons mot, monsieur, à Mme  la duchesse du Maine ; mais je compte après-demain, lundi matin, venir vous faire ma cour dans votre ermitage de Segrais. J’y serai peu de temps, dont je suis très-fâché. Comptez que je voudrais passer ma vie avec un philosophe comme vous, qui est si au dessus de toutes les places.

Ayez la bonté d’envoyer des chevaux de très-bonne heure à Arpajon, et de hâter le moment où j’espère de rendre mes devoirs à votre sagesse dans votre respectable solitude. Votre serviteur à jamais. V.


2084. — À MADEMOISELLE CLAIRON[2].
Mai.

Belle Cléopâtre, je vous supplie de me ménager une place dans la loge grillée où sera probablement M. de Marmontel[3]. Ma

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. La Cléopâtre de Marmontel fut jouée le 20 mai.