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mille ans dans la mémoire des hommes. Je ne sais pas si d’Arnaud sera immortel, mais je le tiens fort heureux dans cette courte vie.

La mienne ne tient plus qu’à un petit fil ; je serai fort en colère si ce petit fil est coupé avant que j’aie encore eu la consolation de revoir le grand homme de ce siècle. Vos vers sur le cardinal de Richelieu ont été retenus par cœur. Le moyen de s’en empêcher ?


Richelieu fit son Testament,
Et Newton son Apocalypse.

Cela est si naturel, si aisé, si vrai, si bien dit, si court, si dégagé de superfluités, qu’il est impossible de ne s’en pas souvenir. Ces vers sont déjà un proverbe. Vous êtes assurément le premier roi de Prusse qui ait fait des proverbes en France. Votre Majesté verra, dans la rapsodie ci-jointe, mes Raisons[1] contre Mme d’Aiguillon.


Jugez ce Testament fameux
Qu’en vain d’Aiguillon veut défendre ;
Vous en avez bien jugé deux[2]
Plus difficiles à comprendre.

Je ne verrai donc jamais, sire, votre Valoriade[3] ? Il y a une ode dans un recueil de votre Académie ; je n’ai ni le recueil, ni l’ode. C’est bien la peine de vous aimer pour être traité ainsi ! le mauvais marché que j’ai fait là !

Je vous donne toute mon âme sans restriction.


2078. — À M. DARGET.
À Paris, 21 avril 1750.

Je profite avec un extrême plaisir, monsieur, de cette occasion de me rappeler un peu à votre souvenir, et de vous renouveler mes sentiments.

Voici une espèce d’essai de la manière dont le roi votre maître pourrait être servi en fait de nouvelles littéraires. L’abbé Raynal, qui commence cette correspondance, a l’honneur de vous écrire et de vous demander vos instructions. C’est un homme

  1. Voyez tome XXIII, page 443.
  2. L’Ancien et le Nouveau Testament.
  3. Le Palladion.