Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire une liberté qui ne leur appartient pas ; mais ils vont jusqu’à insulter personnellement plusieurs citoyens ; ils causent dans Paris un scandale continuel ; ils excitent des querelles. Il est sans doute de l’équité de monsieur le chancelier de réprimer une telle licence, et de sa prudence d’en prévenir les suites. Je suis persuadé qu’il écoutera les sages remontrances d’un homme tel que M. de Mairan. Je lui en aurai, en mon particulier, une extrême obligation.


2076. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Paris, le vendredi 3 avril.

Sire, voici des rogatons qui m’arrivent dans l’instant de l’imprimerie. Jugez le procès des anciens et des modernes. Vous qui abrégez les procès dans votre royaume, mettez fin au nôtre d’un mot. Votre Majesté est accoutumée à décider toutes les querelles par la plume comme par l’épée, sans y perdre beaucoup de temps. Je n’ai que celui de lui envoyer ces bagatelles ; la poste va partir. Voyez, sire, combien l’heure presse ; vous n’aurez pas seulement quatre vers cette fois-ci. Mais tous les moments de ma vie ne vous en sont pas moins consacrés.


2077. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Paris, le 13 avril.

Grand roi, voici donc le recueil[1]
De ma dernière rapsodie.
Si j’avais quelque grain d’orgueil,
De Frédéric un seul coup d’œil
Me rendrait de la modestie.
Votre tribunal est l’écueil
Où notre vanité se brise ;
L’œuvre que votre goût méprise
Dès ce moment tombe au cercueil ;
Rien n’est plus juste ; votre accueil
Est ce qui nous immortalise.

À propos d’immortalité, sire, j’aurai l’honneur de vous avouer que c’est une fort belle chose ; il n’y a pas moyen de vous dire du mal de ce que vous avez si bien gagné. Mais il vaut mieux vivre deux ou trois mois auprès de Votre Majesté que trente

  1. Voyez la note 1 tome V, page 78.