Des lieux où l’ambition folle
Réunit sous ses étendards
Ceux qu’instruisit à son école
Le fier, le sanguinaire Mars ;
En un mot, du centre du trouble,
Je vous cherche au sein de la paix,
Où vous savez jouir au double
De cent plaisirs, de cent succès ;
Où vous vivez quand je travaille ;
Où vous instruisez l’univers,
Lorsque de cent peuples divers
Je vois, au fort de la bataille,
Les ombres passer aux enfers.
Voilà tout ce que peut vous dire ma muse guerrière, d’un camp très-froid. Je n’entre point en détail avec vous, car il n’y a rien de raffiné dans la façon dont nous nous entretenons ; cela se fait toujours à mon grand regret ; et, si je dirige la fureur obéissante de mes troupes, c’est toujours aux dépens de mon humanité, qui pâtit du mal nécessaire que je ne saurais me dispenser de faire.
Le maréchal de Belle-Isle est venu ici avec une suite de gens très-sensés. Je crois qu’il ne reste plus guère de raison aux Français, après celle que ces messieurs de l’ambassade ont reçue en partage. On regarde en Allemagne comme un phénomène très-rare de voir des Français qui ne soient pas fous à lier. Tels sont les préjugés des nations les unes contre les autres ; quelques gens de génie savent s’en affranchir ; mais le vulgaire croupit toujours dans la fange des préjugés. L’erreur est son partage. À vous, qui la combattez, soit honneur, santé, prospérité, et gloire à jamais. Ainsi soit-il. Adieu.
J’ai été à Lille quelques jours, mon cher ami, et c’est de là que je vous envoyai ma signature en parchemin, dans laquelle j’oubliai le nom d’Arouet, que j’oublie assez volontiers. Je vous renvoie d’autres parchemins où ce nom se trouve, malgré le peu de cas que j’en fais.
J’ai reçu les nouveaux mémoires de M. Poniatowski[2], avec un formulaire de procuration que je suivrai exactement. Je vous enverrai un certificat de vie, puisque, malgré ma maigreur et