Sa grande envie serait de séculariser plusieurs biens ecclésiastiques je crains que cette envie trop connue ne révolte contre lui Wurtzbourg, directeur du cercle de Franconie…
Monseigneur, en revenant de la Franconie, où j’ai resté quelques jours, après le départ de Sa Majesté prussienne, je reprends le fil de mon journal.
Le roi de Prusse me dit à Baireuth, environ le 13 ou le 14 du mois passé, qu’il était bien content que le roi eût envoyé de l’argent à l’empereur, et qu’il était satisfait des explications données par M. le maréchal de Noailles, au sujet de l’électeur de Mayence. « Mais, ajouta-t-il, il résulte de toutes vos démarches secrètes que vous demandez la paix à tout le monde, et il se pourrait très-bien faire que votre cour eût fait des propositions contre moi, à Mayence, seulement pour entamer une négociation, et pour sonder le terrain.
— C’est donc ainsi, lui dis-je en riant, que vous en usez, vous autres rois, et c’est ainsi, probablement, que vous fîtes, au mois de mai, des propositions à la reine de Hongrie contre la France.
— Êtes-vous toujours dans cette idée ? me répondit-il je vous jure sur mon honneur que je n’ai jamais pensé à faire cette démarche. »
Il me répéta deux fois ces paroles, en me frappant sur l’épaule et vous sentez bien que, quand un roi jure deux fois sur son honneur, il n’y a rien à répliquer. Il m’ajouta : « Si j’avais fait la moindre offre à la reine de Hongrie, on l’eût acceptée à genoux ; et il n’y a pas longtemps que les Anglais m’ont offert la carte blanche, si je voulais envoyer seulement dix mille hommes à l’armée autrichienne. »
Ensuite il me dit qu’il allait voir à Anspach ce qu’on pourrait faire pour la cause commune, qu’il y attendait l’évêque de Wurtzbourg, et qu’il tâcherait de réunir les cercles de Souabe et de Franconie. Il promit, en partant, au margrave de Baireuth[1], son beau-frère, qu’il reviendrait chez lui avec de grands desseins et même de grands succès.
- ↑ Frédéric-Guillaume, margrave de Brandebourg-Baireuth, né en 1711 ; marié, en 1731, à Frédérique-Sophie-Wilhelmine, sœur du grand Frédéric.