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1536. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Bruxelles, ce 2 octobre.

Vous laissez reposer la foudre et les trompettes ;
Et, sans plus étaler ces raisons du plus fort,
Dans vos fiers arsenaux, magasins de la mort,
De vingt mille canons les bouches sont muettes.
J’aime mieux des soupers, des opéras nouveaux,
Des passe-pieds français, des fredons italiques,
Que tous ces bataillons d’assassins héroïques,
Gens sans esprit et fort brutaux.
Quand verrai-je élever, par vos mains triomphantes,
Du palais des Plaisirs les colonnes brillantes ?
Quand verrai-je à Charlottenbourg
Du docte Polignac[1] les marbres respectables,
Des antiques Romains ces monuments durables,
Accourir à votre ordre, embellir votre cour ?
Tous ces bustes fameux semblent déjà vous dire :
Que faisions-nous à Rome, au milieu des débris
Et des beaux-arts et de l’empire,
Parmi ces capuchons blancs, noirs, minimes, gris,
Arlequins en soutane, et courtisans en mitre,
D’homme et de citoyen abjurant le vain titre,
Portant au Capitole, au temple des guerriers,
Pour aigle des agnus, des bourdons pour lauriers ?
Ah ! loin des monsignors tremblants dans l’Italie,
Restons dans ce palais, le temple du Génie ;
Chez un roi vraiment roi fixons-nous aujourd’hui ;
Rome n’est que la sainte, et l’autre est avec lui.

Sans doute, sire, que les statues du cardinal de Polignac vous disent souvent de ces choses-là mais j’ai aujourd’hui à faire parler une beauté qui n’est pas de marbre, et qui vaut bien toutes vos statues.


Hier je fus en présence
De deux yeux mouillés de pleurs,
Qui m’expliquaient leurs douleurs
Avec beaucoup d’éloquence.
Ces yeux qui donnent des lois
Aux âmes les plus rebelles
Font briller leurs étincelles

  1. Le roi de Prusse avait fait acheter, à Paris, une collection de statues antiques que le cardinal de Polignac avait formée. (K.)