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1404. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Bruxelles, le 28 janvier.
m. de keyserlingk et un questionneur.

le questionneur.

Aimable adjudant d’un grand roi
Et du dieu de la poésie,
Sur mon héros instruisez-moi ;
Que fait-il dans la Silésie ?

keyserlingk.

Il fait tout ; il se fait aimer.

le questionneur.

En deux mots c’est beaucoup m’apprendre ;
Mais ne pourriez-vous point étendre
Un détail qui me doit charmer ?
Je sais que, pour bien peindre un sage,
Un trait de vos crayons suffit ;
Un mot est assez pour l’esprit,
Mais le cœur en veut davantage.

keyserlingk.

Sachez donc que notre héros,
Dont la peau douce et très-frileuse
Semblait faite pour le repos,
Affronta la glace et les eaux
Dans la saison la plus affreuse.
Sa politique imagina
Un projet belliqueux et sage
Que personne ne devina.
L’activité le prépara,
Et la gaité fut du voyage.
La fière Autriche en murmura,
Le conseil aulique cria,
Dépêcha plus d’une estafette,
Plus d’une lettre barbouilla,
Et dit que ce voyage-là
Était contraire à l’étiquette.
Cependant Frédéric parut
Dans la Silésie étonnée ;
Vers lui tout un peuple accourut,
En bénissant sa destinée.
Il prit les filles par la main ;
Il caressa le citadin ;