frères de Paris, qui ont instrumenté si pédantesquement contre mon prophète ? que dira M. le cardinal de Tencin ? que dira madame sa sœur de nos convulsionnaires en robe longue, qui ne veulent pas qu’on joue le Fanatisme, comme on dit qu’un premier président[1] ne voulait pas qu’on jouât Tartuffe ? Puisque me voilà la victime des jansénistes, je dédierai Mahomet au pape[2], et je compte être évêque in partibus infidelium, attendu que c’est là mon véritable diocèse. Bonjour, mes saints anges ; je me mets toujours à l’ombre de vos ailes. Voulez-vous des nouvelles ? on joue jeudi ma[3] comédie nouvelle ; Mlle Gaussin a été saignée hier ; M. le cardinal de Fleury a eu une petite faiblesse ; on répète Hippolyte et Aricie[4].
À propos, vous avez mon Mahomet ; Mme de Tencin le lira, monsieur le cardinal[5] le lira qu’en auront-ils dit ? et M. Pallu, on ne peut pas se dispenser de lui en accorder une lecture.
Je vous prie de présenter mes respects à madame votre tante ; et, si je n’étais pas aussi profane, aussi irrévocablement damné que j’ai l’honneur de l’être, je demanderais la bénédiction de Son Éminence.
On a retenu, ma chère amie, la vivacité de mes sentiments, et l’on a réglé que celui des voyageurs qui ne vous est pas le moins attaché serait le dernier à vous écrire. Nous voilà dans la ville de la sainte ampoule ! Je vous jure que Mme la marquise du Châtelet n’a jamais été plus aimable. Elle a enchanté toute la ville de Reims et, comme de raison, ceux à qui elle plaît tant lui ont donné un jour deux pièces en cinq actes, l’une avant souper, et l’autre après. La dernière a été suivie d’un bal qu’on n’attendait pas, et qui s’est formé tout seul. Jamais elle n’a mieux dansé au bal ; jamais elle n’a mieux chanté à souper ; jamais tant mangé, ni plus veillé. Elle loge chez mon ami M. de Pouilly[6], homme d’une vaste érudition, et cependant aimable, doux, facile,
- ↑ Voyez tome XXIII, page 117.
- ↑ Voltaire dédia effectivement Mahomet à Benoit XIV, au lieu de Frédéric II.
- ↑ Ma doit être une faute : la Fête d’Auteuil ou la Fausse Méprise, comédie en trois actes et en vers libres, jouée le jeudi 23 auguste 1742, est de Boissy. (B.)
- ↑ Voyez tome XXXIII, page 385.
- ↑ Le cardinal de Tencin.
- ↑ Lévesque de Pouilly. Voyez tome XXXV, page 194.