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réponse que j’ai rendue et que je rends encore avec bien plus d’empressement, depuis ce dernier amas de calomnies et d’injures. Soyez très-persuadée, madame, que rien ne peut altérer une estime et une amitié de vingt-cinq années entre M. de Voltaire et moi. La reconnaissance m’attache encore à lui, et je m’en ferai toujours honneur. Il m’a également trouvé dans les temps heureux ou malheureux de sa vie constantem in amicitia virum. Vous pourriez en voir une preuve dans une lettre à M. le baron de Breteuil que M. de Voltaire lui adressa de Maisons, après sa petite vérole[1] ; et c’est avec bien du plaisir que j’ai l’honneur de déposer cette nouvelle preuve-ci entre les mains de son illustre fille.

Mes sentiments seront toujours les mêmes. La constance est dans mon caractère, comme la probité, le désintéressement, le goût des arts, sont dans ma philosophie. Ce sont les titres de l’estime que m’accordent tous les honnêtes gens, et je suis plus flatté de les mériter que d’en être loué, comme l’a prétendu l’auteur de cet infâme écrit ; écrit qui mérite la punition la plus sévère, et dont je suis d’autant plus indigné que je déteste en général tous les libelles, tels qu’ils puissent être, comme aussi inuisibles à la considération des lettres que la saine critique est utile à leurs progrès.

Je suis, en vous souhaitant une heureuse année, avec beaucoup de respect, madame, votre, etc.
date et le titre de cet écrit ; or, l’abbé Desfontaines dit seulement que je nie qu’il ait fait en 1725 un libelle contre vous intitulé Apologie de Voltaire ; je ne me souviens ni du temps ni du titre : donc l’abbé Desfontaines a raison, et la parenthèse est là pour en avertir, de crainte qu’on ne tire pas cette conséquence.




Il fait là un étalage de son amitié pour M. de Voltaire et des obligations que M. de Voltaire doit lui avoir de l’avoir gardé pendant sa petite vérole, mais il ne dit pas un mot de celles qu’il a à M. de Voltaire. Il fait plus : il a été jusqu’à les nier, et il a fallu les lui prouver.




Il est bien question de son caractère et de ce qu’il hait ou de ce qu’il aime ! Il prend là un petit air de magistrat qui lui sied tout à fait bien.




Il faut noter que ces circonstances très-importantes que le sieur Thieriot a oubliées sont, mot pour mot, dans vingt lettres de lui que l’on a encore, de 1723 à 1726. Ces lettres seront imprimées, de peur qu’il ne les oublie encore.


  1. Lettre de décembre 1723, où l’on trouve ce passage : « Je jouissais de la douceur d’avoir auprès de moi un ami, je veux dire un homme qu’il faut compter parmi le très-petit nombre d’hommes vertueux qui seuls connaissent l’amitié dont le reste du monde ne connaît que le nom : c’est M. Thieriot, qui, sur le bruit de ma maladie, était venu en poste de quarante lieues pour me garder, et qui, depuis, ne m’a pas quitté un moment. »