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1000. — DE JORE.
À Paris, le 30 décembre 1738.

Monsieur, j’ai déjà eu l’honneur de vous écrire, le 20 du présent mois, dans l’amertume de mon cœur, pour vous demander pardon, et pour vous marquer le sincère repentir que j’éprouve du procès injuste que votre ennemi (que vous connaissez[1]) m’avait engagé de vous intenter. Je vous ai déjà marqué mon regret, et l’horreur que j’ai d’avoir attaqué si cruellement celui qui était mon bienfaiteur. Je vous disais que j’avais reconnu l’erreur où l’on m’avait mis. Soyez sur monsieur, que mon affliction est égale à ma faute. Daignez, monsieur, pousser votre générosité jusqu’à m’accorder le pardon que j’ose vous demander. Je désavoue le factum injuste et calomnieux que l’on a mis sous mon nom, et que j’ai eu le malheur de signer. J’étais aveuglé ; on m’a séduit. Je vous le répète encore, j’en suis au désespoir. J’en ai tombé malade. Il n’y a rien que je ne fasse, le reste de ma vie, pour réparer ma faute. Enfin, monsieur, si vous étiez témoin de mon affliction d’avoir été trompé par de mauvais conseils, vous auriez pitié de mon état. Ayez la bonté au moins de me faire dire que vous avez celle de me pardonner, si vous ne daignez m’écrire de votre main. Je payerais tous les frais du procès si j’avais de l’argent, et il n’y a rien que je ne fasse, tout le reste de ma vie, pour vous témoigner en particulier et en public le repentir, l’admiration pour votre caractère, et le très-profond respect avec lequel je suis, monsieur, votre très-humble, etc.

Jore

1001. — THIERIOT À MADAME DU CHATELET.
avec les annotations de celle-ci[2].

Madame,

Je reconnais votre zèle pour vos amis dans la lettre que je viens d’avoir l’honneur de recevoir de vous, et quoique j’en sois extrêmement édifié je n’avais pas besoin de cette émulation pour m’intéresser, comme je le dois, à M. de Voltaire, au sujet de l’indigne libelle qu’on vient de répandre contre lui sous le titre de Lettre d’un jeune avocat.

Lorsque le Preservatif parut, j’en fus scandalisé, et mon amitié fut

Paris, le 31 décembre 1738.

Ne trouvez-vous pas qu’il est fort agréable pour moi d’avoir édifié Thieriot par mon zèle, et qu’il s’intéresse à M. de Voltaire par émulation pour moi ?






Il était édifié tout à l’heure, mais le voilà scandalisé à présent. Il est
  1. Desfontaines.
  2. Mémoires sur Voltaire par Longchamp et Wagnière, 1826, tome II, page 431.