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Adieu ; quand j’aurai des termes pour vous dire combien la reconnaissance, la tendresse, et l’estime, m’attachent à vous, je m’en servirais[1].

J’ai scellé cette comédie de cinq sceaux, mon cher ami ; voyez si Lamare ne les a pas rompus ; et, surtout, en cas qu’elle fût refusée, qu’il ne soit pas le maître de la faire imprimer : cela pourrait attirer des affaires. Ne la lui confiez point ; déposez-la dans les très-fidèles mains de Mlle Quinault, et qu’il soit à ses ordres et aux votres. Il faudra que Mlle Quinault la fasse copier et renvoie la copie envoyée, parce qu’il y a de l’écriture de votre ami. Si vous n’approuvez pas qu’on la joue, renvoyez-la ; on donnera autre chose à Lamare. Taillez, monsieur d’Argental ; rognez, nous sommes entre vos mains.

M. de Voltaire vous envoie aussi deux épîtres : la deuxième, sur la Liberté, et la quatrième, sur la Modération. Il ne donnera la cinquième que quand vous serez content, et corrigera les trois premières jusqu’à ce que vous disiez : C’est assez ; mais je crois qu’il est nécessaire d’en faire un corps d’ouvrage suivi, et de les imprimer ensemble, surtout à cause de celle de l’Envie.

Mérope peut réussir, surtout avec Mlle Dumesnil ; mais je ne sais si on doit la hasarder ; c’est à vous à décider. Il a beaucoup retouché les derniers actes ; je ne sais si vous en serez plus content ; mais il y a bien des beautés et des choses prises dans la nature. Sa santé demande peu de travail, et je fais mon possible pour l’empêcher de s’appliquer. Je crois qu’il va se remettre à l’Histoire de Louis XIY ; c’est l’ouvrage qui convient le plus à sa santé. Si vous venez jamais ici, je crois que vous la lirez avec grand plaisir. Je fais mon possible pour vous donner autant d’envie de venir que j’en ai de vous dire moi-même combien je vous aime tendrement. Notre ami vous en dit autant.


976. — À M. THIERIOT.
Le 6 décembre.

Mon très-cher ami, mitonnez-moi le manipulateur ; vous aurez dans peu notre décision.

Comme on imprimait en Hollande les quatre Èpîres, je viens de les envoyer corrigées, très-corrigées, surtout la première, et mon cher Thieriot est à la place d’Hermotime.

Vous me faites tourner la tête de me dire qu’il ne faut point de tours familiers. Ah ! mon ami, ce sont les ressorts de ce style. Quelque ton sublime qu’on prenne, si on ne mêle pas quelque repos à ces écarts, on est perdu. L’uniformité du sublime dégoûte. On ne doit pas couvrir son cul de diamants comme sa tête. Mon cher ami, sans variété, jamais de beauté. Être toujours

  1. Ce qui suit est de la main de Mme du Châtelet.