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il s’est depuis peu lié avec l’abbé Desfontaines, et il a sucé le venin que cet ennemi des femmes, du bon goût et des bons ouvrages, s’avise de répandre contre moi, Merville n’a pas manqué, dans la préface d’une de ses comédies dont j’ai oublié le nom, de mettre deux pages d’injures qui ne m’offensent que parce qu’elles viennent d’un homme qu’on dit que vous affectionnez. S’il est vrai qu’il soit assez heureux pour prendre de vos leçons, je suis sûr que vous lui donnerez celle de ne se point déchaîner contre un homme qui ne lui a jamais fait de mal, et qui ne peut se rencontrer dans son chemin. Il vous aura l’obligation de devenir un honnête homme, et moi celle d’avoir un ennemi de moins.

Puisque je suis en train de vous demander des grâces, je vous supplie, mademoiselle, de me dire tout naïvement à qui je pourrais m’adresser pour engager M. de Launai à ne plus envoyer de mémoires contre moi au sieur Rousseau. Vous me direz peut-être, ou du moins vous penserez que vous n’avez que faire de tout cela, que je suis un importun ; mais je vous répondrai qu’il s’agit de faire plaisir, et d’en faire à quelqu’un qui est votre admirateur et votre ami. Il n’y a point à cela de réplique ; et quelque esprit que vous ayez, je vous défie de trouver une raison pour ne pas rendre service quand votre cœur vous dit qu’il faut obliger. Soyez persuadée de la tendre et sincère reconnaissance d’un homme qui vous sera dévoué toute sa vie. Zamore et Alzire vous saluent à quatre pattes. V,


967. — À M. THIERIOT.
Le 24 novembre.

Ami, dont la vertu toujours égale et pure[1], etc.

Cela vous plaît-il mieux que le cœur tout neuf d’Hermotine ? Au moins cette Épître aura un mérite, c’est d’être adressée à mon ami, et non à un écolier supposé. Je vous en envoie une[2] que je destine à l’héritier d’un trône ; mais la première sera pour vous. Je les corrige toutes, et avec opiniâtreté. Je veux qu’elles soient bonnes et dignes du lieu où elles ont été faites, et du dessein que j’ai eu en les faisant.

Mais comment raboter à la fois la Henriade, mes tragédies, et toutes mes pièces ? Col tempo e coll arte tutto si fara. Tâchez qu’on

  1. Premier vers de la seconde leçon de l’Épître sur l’Égalité des conditinns, adressée alors à Thieriot.
  2. Celle qui traite de la Nature du Plaisir (Cinquième Discours).