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Pour plaire à ses jeux bienséants
Il faut entonner la trompette
Des éloges les plus brillants,
Et parfumer sa vieille idole
De baume arabique et d’encens.
Ami, je connais ton bon sens ;
Tu n’as pas la cervelle folle
De l’abjecte faveur des grands,
Et tu n’as point l’âme assez molle
Pour épouser leurs sentiments.
Fait pour la vérité sincère,
À ce vieux monarque mitré.
Précepteur de gloire entouré,
Ta franchise ne saurait plaire.


1369. — À M. DE MAUPERTUIS[1].
À la Haye, ce 25 octobre 1740.

Celui qui vous rendra cette lettre, mon cher monsieur, est M. Pascal, sur l’arrivée duquel je vous ai déjà prévenu ; c’est une très-grande perte qu’on a faite dans les troupes de France. Il passe généralement pour un des meilleurs officiers du royaume. Comme il ne peut plus servir en France après le passe-droit qu’il a essuyé et après la manière dont les choses ont tourné depuis, je crois que c’est réellement rendre service à Sa Majesté prussienne que de lui présenter un si brave homme, plein d’expérience, et qui entend surtout la guerre de parti : il est sur terre ce que M. Duguay était sur mer. Vous avez contribué à la gloire de feu M. Duguay[2], contribuez à la fortune du brave homme que je vous présente. Je vous demande en grâce de le recommander fortement à tous ceux à qui vous serez à portée d’en parler. Vous pouvez en parler au roi, et vous savez qu’un mot dit à propos, et dit par vous, peut beaucoup. Jamais vous n’aurez mieux placé votre éloquence et vos services.

J’ai pris la liberté d’annoncer au roi M. Pascal ; mais je compte beaucoup plus sur vos discours que sur mes lettres.

Adieu, monsieur. J’oubliais de vous dire que ce que j’en fais est avec l’agrément de M. de Fénelon, l’ambassadeur de France à la Haye, qui connaît le mérite de M. Pascal, et qui, ne pouvant le rendre au service de France, croit qu’il n’y a point de prince plus digne d’être servi par de tels officiers que Sa Majesté prussienne.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. En publiant ses Mémoires.