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monsieur votre fils s’est adressé à moi, à la Haye. Il m’a avoué qu’il a fait des fautes de jeunesse dont il éprouve à la fois la punition et le repentir. Il manque de tout ; une telle misère peut conduire à des fautes nouvelles. Si vous le jugez à propos, monsieur, je lui avancerai ce qu’il faudra pour l’aider à vivre, et pour lui procurer quelque emploi dans lequel il puisse vivre en honnête homme et vous faire honneur.

Voltaire.

1366. — À M. DE CAMAS[1],
ambassadeur du roi de prusse.
À la Haye, ce 18 d’octobre.

Monsieur, les jansénistes disent qu’il y a des commandements de Dieu qui sont impossibles. Si Dieu ordonnait ici que l’on supprimât l’Anti-Machiavel, les jansénistes auraient raison. Vous verrez, monsieur, par la lettre ci-jointe, au dépositaire[2] du manuscrit, la manière dont je me suis conduit. J’ai senti, dès le premier moment, que l’affaire était très-délicate, et je n’ai fait aucun pas sans être éclairé du secrétaire de la légation de Prusse à la Haye, et sans instruire le roi de tout. J’ai toujours représenté ce qui était, et j’ai obéi à ce qu’on voulait. Il faut partir d’où l’on est. Van Duren ayant imprimé, sous deux titres différents, l’Anti-Machiavel, et le livre étant très-défiguré, de la part du libraire, et assez dangereux en quelques pays par le tour malin qu’on peut donner à plus d’une expression, j’ai cru qu’on ne pouvait y remédier qu’en donnant l’ouvrage tel que je l’ai déposé à la Haye, et tel qu’il ne peut déplaire, je crois, à personne. Avant même de faire cette démarche, j’ai envoyé à Sa Majesté une nouvelle copie manuscrite de son ouvrage, avec ces petits changements que j’ai cru que la bienséance exigeait. Je lui ai envoyé aussi un exemplaire de l’édition de Van Duren. S’il veut encore y corriger quelque chose, ce sera pour une nouvelle édition, car vous jugez bien qu’on s’arrache le livre dans toute l’Europe. En général, on est charmé (je parle de l’édition de Van Duren même) ; les maximes qui y sont répandues ont plu infiniment ici à tous les membres de l’État et à la plupart des ministres. Mais il faut avouer qu’il y a aussi quelques ministres qui

  1. Voyez la note, 2 de la page 449.
  2. Cyrille Le Petit ; voyez la lettre 1352, et lome XXIII, la note 3 de la page 149.