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trop d’indécence. La dernière lettre de Votre Majesté a fait partout un effet admirable. Qu’il me soit permis, sire, de représenter à Votre Majesté que vous renvoyez, dans cette lettre publique, aux protestations faites contre les contrats subreptices d’échange, et aux raisons déduites dans le mémoire de 1737. Comme l’abrégé que j’ai fait[1] de ce mémoire est la seule pièce qui ait été connue et mise dans les gazettes, je me flatte que c’est donc à cet abrégé que vous renvoyez, et qu’ainsi Votre Majesté n’est plus mécontente que j’aie osé soutenir vos droits d’une main destinée à écrire vos louanges. Cependant je ne reçois de nouvelles de Votre Majesté ni sur cela ni sur Machiavel.

C’est un plaisant pays que celui-ci. Croiriez-vous, sire, que Van Duren, ayant le premier annoncé qu’il vendrait l’Anti-Machiavel, est en droit par là de le vendre, selon les lois, et croit pouvoir empêcher tout autre libraire de vendre l’ouvrage ?

Cependant, comme il est absolument nécessaire, pour faire taire certaines gens, que l’ouvrage paraisse un peu plus chrétien, je me charge seul de l’édition pour éviter toute chicane, et je vais en faire des présents partout : cela sera plus prompt, plus noble et plus conciliant ; trois choses dont je fais cas.

Rousseau, cet errant[2] hypocrite,
D’un vieil Hébreu vieux parasite,
À quitté ces tristes climats.
Monsieur du Lis, l’Israélite,
Le plus riche Juif des États,
A donné, d’un air d’importance,
L’aumône de cinq cents ducats
À son rimeur dans l’indigence.
Le rimeur ne jouira pas
De cette aumône magnifique ;
Déjà son âme satirique
Est dans les ombres du trépas,
Et son corps est paralytique.
Pour la pesante république
De nos-seigneurs des Pays-Bas,
Elle est toujours apoplectique.

  1. L’écrit rédigé par Voltaire pour le roi de Prusse est celui qui est intitulé Sommaire des droits de S. M. le roi de Prusse sur Herstall : voyez tome XIII page 153.
  2. J.-B. Rousseau était à la Haye depuis le commencement de 1740. Voici ce qu’il disait à Louis Racine, dans une lettre écrite, de la même ville, le 25 septembre 1740 : « Je m’embarque sans faute, après-demain, pour reporter à Bruxelles une santé plus déplorable, de beaucoup, que je ne l’avais à mon départ. » (Cl.)