Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que du fouet jadis à Bicêtre
Sur son fessier large appliqué.

Je le crois bien, car il y a quelques ressources, après tout, pour les blessures de son derrière, et il n’y en a point contre une bonne épigramme de votre main. Si vous aviez fait quelque chose de nouveau, et que vous voulussiez l’envoyer à Cirey, je m’y intéresse presque autant que vous-même. J’aime les belles-lettres avec ardeur. Personne n’est plus en état que vous d’empêcher qu’elles ne tombent en France. Il ne m’appartient pas de vous exhorter à travailler ; mais je peux au moins vous dire combien je souhaite de joindre de nouveaux applaudissements à ceux que je vous ai déjà donnés.

Je suis, avec bien de l’estime et de l’amitié, votre, etc.


962. — À M. THIERIOT.
Le 13 novembre.

Vous me voyez, mon cher ami, dans un point de vue, et moi, je me vois dans un autre. Vous vous imaginez, à table avec Mme de La Popelinière et M. des Alleurs, que les calomnies de Rousseau ne me font point de tort parce qu’elles ne gâtent point votre vin de Champagne ; mais moi, qui sais qu’il a employé pendant dix ans la plume de Rousset[1] et de Varenne[2], à Amsterdam, pour me noircir dans toute l’Europe ; moi, qui, par l’indignation du prince royal même contre tant de traits, reconnais très-bien que ces traits portent coup, j’en pense tout différemment. Je ne sais pourquoi vous me citez l’exemple des grands auteurs du siècle de Louis XIV, qui ont eu des ennemis. En premier lieu, ils ont confondu ces ennemis autant qu’ils l’ont pu ; en second lieu, ils ont eu des protections qui me manquent ; et enfin ils avaient un mérite supérieur qui pouvait les consoler. Ce qui m’est arrivé à la fin de 1736 doit me faire tenir sur mes gardes[3]. Je sais très-bien que les journaux peuvent faire de très-mauvaises impressions ; je sais qu’un homme qu’on outrage impunément est avili ; et je ne veux accoutumer personne à parler de moi d’une manière qui ne me convienne pas. Ma sensibilité doit vous plaire ; un ami s’intéresse à la réputation de son ami comme à la sienne propre.

  1. Rousset de Missy.
  2. Cité dans la lettre 712.
  3. Il avait été persécuté pour la publication du Mondain : voyez tome X.