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Si les choses prennent un autre tour, si l’amour de votre patrie vous empêche d’aller à la cour d’un roi que tous les gens de lettres veulent servir, ou si quelqu’un lui donne une autre idée, ou s’il n’a point de spectacle, je féliciterai la France de vous garder. Je me flatte que j’aurai bientôt le plaisir de vous entendre à Lille. Mandez-moi, je vous prie, si vous pourriez y être vers le 1er septembre. J’ai mes raisons, et ces raisons sont principalement l’estime et l’amitié avec lesquelles je compte être toute ma vie, monsieur, votre, etc.


1333. — À M. LE COMTE DE CAYLUS.
Bruxelles, le 21 août.

J’ai reçu, monsieur, l’ambulante Bibliothèque orientale[1] que vous avez eu la bonté de m’adresser. M, Dumolard saurait encore plus d’hébreu, de chaldéen, qu’il ne me ferait jamais autant de plaisir que m’en ont fait les assurances que vous m’avez données, en français, de la continuation de vos bontés. Soyez très-sûr que j’emploierai mon petit crédit à faire connaître un homme que vous favorisez, et qui m’en paraît très-digne. Il est aimable, comme s’il ne savait pas un mot de syriaque ; je me suis bien douté que c’était un homme de mérite, dès qu’il m’a dit être porteur d’une lettre de vous.

En vérité, vous êtes un homme charmant, vous protégez tous les arts, vous encouragez toute espèce de mérite, il semble que vous soyez né à Berlin. Du moins il me semble qu’on ne suit guère votre exemple à la cour de France. Je vous avertis que tant qu’on n’emploiera son argent qu’à bâtir ce monument de mauvais goût qu’on nomme Saint-Sulpice[2], tant qu’il n’y aura pas de belles salles de spectacle, des places, des marchés publics magnifiques à Paris, je dirai que nous tenons encore à la barbarie :

· · · · · · · · · · · · · · · Hodieque manent vestigia ruris.

(Hor., lib. II, ep. i, v. 160.)

La campagne, en France, est abîmée, et les villes peu embellies ; c’est à vous à représenter à qui il appartient ce que les

  1. Ce titre d’un ouvrage de d’Herbelot désigne ici Dumolard.
  2. Selon M. Dulaure, Anne d’Autriche posa la première pierre de cet édifice, le 20 février 1655 ; mais ce ne fut qu’en 1733 que l’on commença à fonder le portail, achevé seulement en 1745. (Cl.)