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Si le roi de Prusse n’achète pas vos bustes[1], il faudra qu’il ait une haine décidée pour le cavalier Bernin et pour moi. J’ai tout lieu de croire qu’il fera ce que je lui proposerai incessamment sur cette petite acquisition, soit que j’aie le bonheur de le voir, soit que je lui écrive. Je ne sais encore, entre nous, s’il joindra une magnificence royale à ses autres qualités : c’est de quoi je ne peux encore répondre. Philosophie, simplicité, tendresse inaltérable pour ceux qu’il honore du nom de ses amis, extrême fermeté et douceur charmante, justice inébranlable, application laborieuse, amour des arts, talents singuliers, voilà certainement ce que je peux vous assurer qu’il possède. Soyez tout aussi sûr, mon respectable ami, que je le presserai avec la vivacité que vous me connaissez. Je suis heureusement à portée d’en user ainsi. Il ne m’a jamais écrit si souvent ni avec tant de confiance et de bonté que depuis qu’il est sur le trône, et qu’il fait jour et nuit son métier de roi avec une application infatigable. Quel bonheur pour moi si je peux engager ce roi, que j’idolâtre, à faire une chose qui puisse plaire à un ami qui est ans mon cœur fort au-dessus encore de ce roi !


1318. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À la Haye, le 20 juillet.

Tandis que Votre Majesté
Allait en poste au pôle arctique[2],
Pour faire la félicité
De son peuple lithuanique,
Ma très-chétive infirmité
Allait, d’un air mélancolique,
Dans un chariot détesté,
Par Satan sans doute inventé,
Dans ce pesant climat belgique.
Cette voiture est spécifique

  1. Ces bustes, représentant les douze premiers empereurs romains, avaient été trouvés, vers la fin de 1737, dans la galerie du château du Bouchet appartenant à la famille de Mme d’Argental, aux environs de Paris. On les attribuait au célèbre Bernini ; et l’abbé Prévost, en annonçant la vente de ces bustes, en 1738. dans le Pour et Contre, leur donna les plus grands éloges. Cependant il résulte d’une lettre du 19 janvier 1741, à d’Argental, que ces douze Césars n’étaient pas encore vendus, à cette époque, ni même dix ans plus tard, ainsi qu’on le voit dans la lettre du 7 auguste 1750, écrite à la même personne, (Cl.)
  2. Sur les rives du Prégel, qui se jette, aux environs de Kœnigsberg, dans le Frisch-Haff.