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Celui qui est marqué A devait partir par le même ordinaire ; B n’a été prêt qu’aujourd’hui.

Puisque vous avez la traduction d’Amelot, ne manquez pas de l’imprimer à côté de mon auteur. Ma Préface précédera celle d’Amelot et celle de Machiavel, qu’Amelot a traduite, et annoncera l’économie de tout le livre.

Je vous prie de m’envoyer la première feuille imprimée.

Voltaire.

1303. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Charlottenbourg, 27 juin[1].

Mon cher Voltaire, vos lettres me font toujours un plaisir infini, non pas par les louanges que vous me donnez, mais par la prose instructive et les vers charmants qu’elles contiennent. Vous voulez que je vous parle de moi-même[2], comme

L’éternel abbé de Chaulieu[3].

Qu’importe ? il faut vous contenter.

Voici donc la gazette de Berlin telle que vous me la demandez.

J’arrivai, le vendredi au soir, à Potsdam, où je trouvai le roi dans une si triste situation, que j’augurai bientôt que sa fin était prochaine. Il me témoigna mille amitiés, il me parla plus d’une grande heure sur les affaires tant internes qu’étrangères, avec toute la justesse d’esprit et le bon sens imaginables. Il me parla de même le samedi et le dimanche ; le lundi, paraissant très-tranquille, très-résigné, et soutenant ses souffrances avec beaucoup de fermeté, il résigna la régence entre mes mains. Le mardi[4] matin à cinq heures il prit tendrement congé de mes frères, de tous les officiers de marque, et de moi. La reine, mes frères et moi, nous l’avons assisté dans ses dernières heures ; dans ses angoisses il a témoigné le stoïcisme de Caton. Il est expiré avec la curiosité d’un physicien sur ce qui se passait en lui à l’instant même de sa mort, et avec l’héroïsme d’un grand homme, nous laissant à tous des regrets sincères de sa perte, et sa mort courageuse comme un exemple à suivre.

Le travail infini qui m’est échu en partage, depuis sa mort, laisse à peine du temps à ma juste douleur. J’ai cru que depuis la perte de mon père je me devais entièrement à la patrie. Dans cet esprit, j’ai travaillé autant qu’il a été en moi pour prendre les arrangements les plus prompts et les plus convenables au bien public.

  1. Réponse à la lettre 1294.
  2. Voyez la lettre 792.
  3. Vers de l’épître de Voltaire au duc de Sully ; voyez tome X.
  4. Le 31 mai, jour même de la mort du roi de Prusse.