l’honneur ; mais y a-t-il quelqu’un qui l’ignore, et n’y a-t-il pas de la honte à se mesurer avec un homme aussi universellement haï et méprisé que Desfontaines ?
Loin de chercher à publier l’opprobre des gens de lettres, je ne cherche qu’à le couvrir. Il y a un écrivain connu[1] qui m’écrivit un jour : « Voici, monsieur, un libelle que j’ai fait contre vous ; si vous voulez m’envoyer cent écus, il ne paraîtra pas. » Je lui fis mander que cent écus étaient trop peu de chose ; que son libelle devait lui valoir au moins cent pistoles, et qu’il devait le publier. Je ne finirais point sur de pareilles anecdotes[2] ; mais elles me peignent l’humanité trop en laid, et j’aime mieux les oublier.
Il y a un article dans votre lettre qui m’intéresse beaucoup davantage : c’est le besoin que vous avez de douze cents livres. M. le prince de Conti[3] est à plaindre de ce que ses dépenses le mettent hors d’état de donner à un homme de votre mérite autre chose qu’un logement. Je voudrais être prince, ou fermier général, pour avoir la satisfaction de vous marquer une estime solide. Mes affaires sont actuellement fort loin de ressembler à celles d’un fermier général, et sont presque aussi dérangées que celles d’un prince. J’ai même été obligé d’emprunter deux mille écus de M. Bronod, notaire ; et c’est de l’argent de Mme la marquise du Châtelet que j’ai payé ce que je devais à Prault fils ; mais, sitôt que je verrai jour à m’arranger, soyez très-persuadé que je préviendrai l’occasion de vous servir avec plus de vivacité que vous ne pourriez la faire naître. Rien ne me serait plus agréable et plus glorieux que de pouvoir n’être pas inutile à celui de nos écrivains que j’estime le plus. C’est avec ces sentiments très-sincères que je suis, monsieur, etc.
Je reçois, monsieur, votre lettre du 24 avec la préface d’Amelot de La Houssaie, à l’occasion de laquelle je vais composer celle dont je suis chargé. Voici la fin de l’ouvrage en deux paquets.