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s’il s’est attendri, s’il a agi avec confiance, s’il a justifié les sentiments admirables que vous avez daigné me témoigner pour lui dans vos lettres, je serai un peu content. Un mot de votre adorable main me ferait entendre tout cela[1].

Le roi me demandera peut-être pourquoi je fais ces questions à l’homme ; il me dira que je suis bien curieux et bien hardi ; savez-vous ce que je répondrai à Sa Majesté ? je lui dirai : Sire, c’est que j’aime l’homme de tout mon cœur.

Votre Majesté, ou Votre Humanité, me fait l’honneur de me mander qu’elle est obligée à présent de donner la préférence à la politique sur la métaphysique, et qu’elle s’escrime avec notre bon cardinal.

Vous paraissez en défiance
De ce saint au ciel attaché,
Qui, par esprit de pénitence,
Quitta son petit évêché
Pour être humblement roi de France ;
Je pense qu’il va s’occuper,
Avec un zèle catholique.
Du Juste soin de vous tromper :
Car vous êtes un hérétique.

On a agité ici la question si Votre Majesté se ferait sacrer et oindre ou non ; je ne vois pas qu’elle ait besoin de quelques gouttes d’huile pour être respectable et chère à ses peuples. Je révère fort les saintes ampoules, surtout lorsqu’elles ont été apportées du ciel, et pour des gens tels que Clovis ; et je sais bon gré à Samuel d’avoir versé de l’huile d’olive sur la tête de Saül[2], puisque les oliviers étaient fort communs dans leur pays ;

Mais, seigneur, après tout, quand vous ne seriez point
Ce que l’Écriture appelle oint.
Vous n’en seriez pas moins mon héros et mon maître.
Le grand cœur, les vertus, les talents, font un roi ;
Et vous seriez sacré pour la terre et pour moi,
Sans qu’on vît votre front huilé des mains d’un prêtre.

Puisque Votre Majesté, qui s’est faite homme, continue toujours à m’honorer de ses lettres, j’ose la supplier de me dire comment elle partage sa journée, j’ai bien peur qu’elle ne travaille trop. On soupe quelquefois sans avoir mis d’intervalle

  1. La réponse à ces questions est dans la lettre 1303.
  2. Premier livre des Rois, chap. x, verset 1.