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de Machiavel ; j’ai jeté quelques poignées de mortier dans un ou deux endroits d’un édifice de marbre. Pardonnez-moi, et permettez-moi de retrancher ce qui se trouve, au sujet des disputes de religion, dans le chapitre xxi.

Machiavel y parle de l’adresse qu’eut Ferdinand d’Aragon de tirer de l’argent de l’Église, sous le prétexte de faire la guerre aux Maures, et de s’en servir pour envahir l’Italie. La reine[1] d’Espagne vient d’en faire autant. Ferdinand d’Aragon poussa encore l’hypocrisie jusqu’à chasser les Maures pour acquérir le nom de bon catholique, fouiller impunément dans les bourses des sots catholiques, et piller les Maures en vrai catholique. Il ne s’agit donc point là de disputes de prêtres, et des vénérables impertinences des théologiens de parti, que vous traitez ailleurs selon leur mérite.

Je prends donc, sous votre bon plaisir, la liberté d’ôter cette petite excrescence à un corps admirablement conformé dans toutes ses parties. Je ne cesse de vous le dire, ce sera là un livre bien singulier et bien utile.

Mais quoi ! mon grand prince, en faisant de si belles choses. Votre Altesse royale daigne faire venir des caractères d’argent[2] d’Angleterre, pour faire imprimer cette Henriade ! Le premier des beaux-arts que Votre Altesse royale fait naître est l’imprimerie. Cet art, qui doit faire passer vos exemples et vos vertus à la postérité, doit vous être cher. Que d’autres vont le suivre, et que Berlin va bientôt devenir Athènes ! Mais enfin le premier qui va fleurir y renaît en ma faveur : c’est par moi que vous commencez à faire du bien.

Je suis votre sujet, je le suis, je veux l’être[3].
Je ne dépendrai plus des caprices d’un prêtre[4].
Non, à mes vœux ardents le ciel sera plus doux ;
Il me fallait un sage, et je le trouve en vous.
Ce sage est un héros, mais un héros aimable ;
Il arrache aux bigots leur masque méprisable ;
Les arts sont ses enfants, les vertus sont ses dieux.
Sur moi, du mont Rémus, il a baissé les yeux :

  1. Elisabeth Farnèse, princesse altière, ambitieuse, et élevée, selon Saint-Simon, dans une parfaite ignorance de toutes choses ; mariée en 1714 à Philippe V. ( Cl.)
  2. Voyez plus haut, page 435.
  3. Hémistiche de Corneille, acte V de Cinna ; — et aussi de la Mort de César, acte II, scène ii.
  4. Le cardinal de Fleurv.