passera aisément. Je ne crois pas que l’ouvrage dont je suis chargé ait besoin de ces petits secours.
Je suis, etc.
Si vous avez, mademoiselle, une petite bibliothèque, je prends la liberté de supplier vos livres de recevoir dans leur compagnie quatre tomes de mes rêveries, qu’on a imprimées en Hollande, et qui sont partis de Charleville par le coche, à votre adresse. C’est M. Helvétius qui a dû se charger de vous les faire tenir ; le paquet est simplement couvert de papier et ficelé : vous y trouverez, parmi mes autres folies, celles du théâtre. Je me recommande toujours à votre génie bienfaisant, pour la nouvelle hardiesse de ma façon qui va affronter les sifflets.
Enfin mon cher ange, M. d’Argental, a ouvert mes yeux à la lumière. Je résistais depuis longtemps ; je craignais le travail de faire un cinquième acte du quatrième de Mahomet ; c’était cependant là l’unique façon d’arriver au but. Enfin j’ai pris ce tournant, et à peine me suis-je mis dans cette route que j’ai été tout seul. En vérité, il n’y a que le mauvais qui coûte. Le cinquième acte m’a fait suer sang et eau, tant que le fonds n’en valait rien. Il n’y a plus eu de fatigue dès que le vrai chemin a été trouvé. Béni soit mon cher ange !
Mme du Châtelet me donnait depuis longtemps ce conseil, et n’était point contente de Mahomet ; elle est enfin satisfaite aujourd’hui : elle prétend que c’est ce que j’ai fait de moins indigne de vos soins ; vous en jugerez en dernier ressort. J’ai bien peur que les promenades ne l’emportent sur Zulime ; mais je retiens l’hiver pour Mahomet. Pourquoi ne voudriez-vous plus de moi dans le royaume de Thalie ? Je crois la mode des tragédies bourgeoises intitulées comédies un peu passée. Si on voulait quelque chose d’intrigué, d’un peu hardi et d’assez plaisant ; si on ne s’effarouchait pas de certaines choses dont on n’était point scandalisé du temps de Poquelin ! Mais ce siècle est si sage !
Je suis à vos pieds, ma charmante Thalie.