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la seconde, Discours d’Estat contre Machiavel ; la troisième, Fragment[1] contre Machiavel.

Je serais bien aise de les voir, afin d’en parler, s’il en est besoin, dans ma préface ; mais ces ouvrages sont probablement fort mauvais, puisqu’ils sont difficiles à trouver : cela ne retardera en rien l’impression du plus bel ouvrage que je connaisse. Que vous y faites un portrait vrai des Français et du gouvernement de France ! Que le chapitre sur les puissances ecclésiastiques est intéressant et fort ! La comparaison de la Hollande avec la Russie, les réflexions sur la vanité des grands seigneurs, qui font les souverains en miniature, sont des morceaux charmants. Je vais, dans l’instant, en achever la quatrième lecture, la plume à la main. Cet ouvrage réveille bien en moi l’envie d’achever l’histoire du Siècle de Louis XIV ; je suis honteux de faire tant de choses frivoles quand mon prince m’enseigne à en faire de solides.

Que dira de moi Votre Altesse royale ? On va jouer une tragédie[2] nouvelle de ma façon, à Paris, et ce n’est point Mahomet ; c’est une pièce toute d’amour, toute distillée à l’eau rose des dames françaises. Voilà pourquoi je n’ai pas osé en parler encore à Votre Altesse royale. Je suis honteux de ma mollesse ; cependant la pièce n’est point sans morale, elle peint les dangers de l’amour, comme Mahomet peint les dangers du fanatisme. Au reste, je compte corriger encore beaucoup ce Mahomet, et le rendre moins indigne de vous être dédié. Je vais refondre toute la pièce. Je veux passer ma vie à me corriger, et à mériter les bonnes grâces de mon adorable souverain et d’Émilie.

Votre Altesse royale a dû recevoir un peu de philosophie de ma part, et beaucoup de la sienne[3]. Mme du Châtelet est ce que je voudrais être, digne de votre cour.

Je suis avec un profond respect et la plus vive reconnaissance, etc.

    connaître, fait deux ouvrages d’un seul. C’est l’ouvrage de Gentillet qui a été réimprimé, en 1609, sous le titre de Discours d’État. (B.)

  1. Fragment de l’examen du Prince de Machiavel : ouvrage anonyme de Didier Hérauld. Paris. 1622, in-12. (Cl.)
  2. Zulime, représentée le 8 juin 1740.
  3. La Métaphysique de Newton et les Institutions de physique de la marquise du Châtelet.