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Que ma bague, mon cher Voltaire, ne quitte jamais votre doigt. Ce talisman est rempli de tant de souhaits pour votre personne qu’il faut de nécessité qu’il vous porte bonheur ; j’y contribuerai toujours autant qu’il dépendra de moi, vous assurant que je suis inviolablement votre très-fidèle ami.

Faites, s’il vous plaît, mes compliments à votre aimable marquise.


1271. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE[1].

Monseigneur,

On vous dit à Ruppin rendu.
Sauvé de la foule importune
Du courtisan trop assidu.
Et des attraits de la Fortune,
Entre les bras de la Vertu.

Les gazettes disent que Votre Altesse royale y fait faire un manège ; apparemment qu’il y aura une place pour le cheval Pégase, qui me paraît un des chevaux de votre écurie que vous montez le plus souvent. Vous vous étonnez, monseigneur, que ma faible santé m’ait laissé assez de forces pour faire quelques ouvrages médiocres ; et moi, je suis bien plus surpris que la situation où vous avez été si longtemps ait pu vous laisser dans l’esprit assez de liberté pour faire des choses si singulières. Faire des vers, quand on n’a rien à faire, ne m’effraye point ; mais en faire de si bons, et dans une langue étrangère, quand on est dans une crise si violente[2], cela est fort au-dessus de mes forces.

Tantôt votre muse badine
Dans un conte folâtre, et rit ;
Tantôt sa morale divine
Éclaire et forme notre esprit.
Je vois là votre caractère ;
Vous êtes fait assurément
Pour l’agréable et pour le grand.
Pour nous gouverner, pour nous plaire ;
Il est gens dans le ministère
De qui je n’en dirais pas tant.

  1. Le prince royal répondit, le 18 mai 1740, à cette lettre, qui doit être des premiers jours du même mois, et qui répond à celle de Frédéric du 15 avril précédent. (Cl.)
  2. Allusion à la maladie dont Frédéric-Guillaume mourut le 31 mai 1740.