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La semence de l’incendie
Par lequel Ilion brûla.

Ce palladium est placé dans le sanctuaire du château, dans la bibliothèque, où les sciences et les arts lui tiennent compagnie, et lui servent de cadre ;

Et les sages de tous les temps,
Les beaux esprits et les savants
L’honorent dans cette chapelle ;
De ses ouvrages excellents
On voit le monument fidèle,
De ses écrits tous les fragments,
Et la Henriade immortelle,
D’une foule de courtisans,
Tous animés de même zèle,
Reçoit les hommages fervents.

En vérité, sainte Marie,
Lorette et tous vos ornements,
La pompe de vos sacrements,
Vos prêtres et leur momerie,
Ne valent pas assurément
Ce culte exempt de flatterie,
Sans faste et sans hypocrisie ;
Ce culte de nos sentiments,
Qui sur l’autel du vrai mérite,
Le discernement à sa suite.
Offre le plus pur des encens.

Je vous prie de critiquer et mes vers et ma prose ; je corrige tout à mesure que je reçois vos oracles. Pour vous fournir nouvelle matière à correction, je vous envoie un conte[1] dont mon séjour de Berlin m’a fourni le sujet. Le fond de l’histoire est véritable ; j’ai cru devoir l’ajuster. Le fait est qu’un homme nommé Kirch[2], astronome de profession, et, je crois, un peu astrologue par plaisir, est mort d’apoplexie : un ministre de la religion réformée[3], de ses amis, vint voir ses sœurs, toutes deux astronomes, et leur conseilla de ne point enterrer leur frère, parce qu’il y avait beaucoup d’exemples de personnes que l’on avait enterrées avant que leur trépas fût avéré ; et, par le conseil de cet ami, les sœurs crédules du mort[4] attendirent trois semaines avant que de l’enterrer, jusqu’à ce que l’odeur du cadavre les y força, malgré les représentations du ministre, qui s’attendait tous les jours à la résurrection de M. Kirch. J’ai trouvé l’histoire si singulière qu’elle m’a paru mériter la peine d"être mise dans un conte. Je n’ai eu d’autre objet en vue que celui de m’égayer ; et, s’il est trop long, vous n’en attribuerez la raison qu’à l’intempérance de ma verve.

  1. Le Faux Pronostic, ou le Miracle manqué.
  2. Christfried Kirch, mort le 9 mars 1740.
  3. De la religion prétendue réformée. (Variante de l’original déposé à la Bibliothèque de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg.)
  4. Par le conseil de ce crédule ami, les sœurs du mort. (Variante de l’original.)