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Jadis furent ses ennemis ;
Ils éprouvent tous sa clémence ;
Mais il distinguait ses amis,
Ils éprouvent sa bienfaisance.

Les Antonins, les Titus, les Trajan, les Julien, descendaient du ciel pour voir ce triomphe.

Tous ces héros du nom romain
N’ont plus qu’un mépris souverain
Pour la malheureuse Italie ;
Ils s’étonnent que leur génie
Ne se retrouve qu’à Berlin.

Il ne tenait qu’à eux d’être à l’élection d’un pape[1], mais les cardinaux et le Saint-Esprit ne sont pas faits pour les Titus et les Marc-Aurèle. La Vérité, que ces héros aiment, n’est guère au conclave ; elle était près de ce trône d’argent.

Mon héros, d’un air de franchise,
L’y fit asseoir à son côté ;
Elle était honteuse et surprise
De se voir tant de liberté.

Elle sait bien que le trône n’est guère plus sa place que le conclave, et qu’à cette pauvre exilée n’appartient pas tant d’honneur ; mais Frédéric la rassurait comme une personne de sa connaissance.

Le Florentin Machiavel,
Voyant cette fille du ciel,
S’en retourna tout au plus vite
Au fond du manoir infernal,
Accompagné d’un cardinal,
D’un ministre, et d’un vieux jésuite.

Mais Frédéric ne voulut pas que Machiavel eût ose paraître devant lui sans faire amende honorable au genre humain en la personne de son protecteur. Il le fit mettre à genoux ;

Et l’Italien confondu
Fit sa pénitence publique,

  1. Clément XII était mort le 6 février 1740 ; son successeur, élu le 17 auguste suivant, fut Benoît XIV, vénérable pontife auquel Voltaire dédia Mahomet, le 17 auguste 1745. (Cl.)