Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choses que vous ayez daigné m’envoyer. En vous remerciant, monseigneur, des bonnes leçons que je vois là pour moi.

Je la dois sans doute exercer
Cette vertu de patience ;
Les dévots ont su m’y forcer ;
Quand on a pu les courroucer,
Il faut en faire pénitence.
Ces messieurs, prêchant la douceur,
Imitent fort bien le Seigneur :
Ils sont friands de la vengeance.

La traduction de l’ode Rectius vives, Licini, fait voir qu’il y a des Mécènes qui sont eux-mêmes des Horaces. Vous n’avez pas voulu rendre exactement :

Auream quisquis mediocritatem
Diligit, tutus caret obsoleti
Sordibus tecti ; caret invidenda
    Sobrius aula.

(Hor., lib. II, od. x, v. 5.)

Vous sentez si bien ce qui est propre à notre langue, et les beautés de la latine[1], que vous n’avez pas traduit obsoleti tecti, qui serait très-bas en français.

Loin de la grandeur fastueuse,
La frugale simplicité
N’en est que plus délicieuse.

Ces expressions sont bien plus nobles en français : elles ne peignent pas comme le latin, et c’est là le grand malheur de notre langue, qui n’est pas assez accoutumée aux détails. Au reste, nous faisons médiocrité[2] de cinq syllabes ; si vous voulez absolument n’en mettre que trois, quatre, les princes sont les maîtres,

La fin de l’Épître à M. Jordan est un engagement de rendre les hommes heureux ; vous n’avez pas besoin de le promettre, j’en crois votre caractère, sans avoir besoin de votre parole.

Voici quelques pièces, moitié prose, moitié vers, pour payer

  1. Frédéric ne savait pas le latin ; peut-être Césarion était-il l’auteur de la traduction critiquée par Voltaire : car Maupertuis, en louant, dans son Éloge de Keyserlingk, le talent de cet ami du roi pour la poésie, rappelle ses traductions de quelques odes d’Horace en vers français.
  2. Voyez la fin de la lettre 1266.