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1263. — À M. PITOT DE LAUNAI.
À Bruxelles, ce 5 d’avril.

Monsieur, je vous fais mon compliment sur ce que vous allez changer de vilaine eau en une terre fertile. Cela est moins brillant que de mesurer la terre et de déterminer sa figure, mais cela est plus utile ; et il vaut mieux donner aux hommes quelques arpents de terre que de savoir si elle est plate aux pôles. Vous n’aurez besoin de personne auprès de votre confrère[1] M. de Richelieu, mais je me vanterai à lui d’être votre ami, et c’est moi qui vous prie de lui bien faire ma cour, et à un très-aimable syndic avec qui j’ai fait la moitié du voyage jusqu’à Langres[2]. Je vous prie, avant de partir, de me mander ce qu’on pense, ou plutôt ce que vous pensez sur le quatrième tome de la Physique de l’abbé de Molières.

Entre autres opinions qui m’ont surpris dans ce livre, j’ai une preuve surabondante de l’existence de Dieu, qui, me semble, ferait des athées si on pouvait l’être. Me trompé-je ? M. de Molières me paraît étrangement anti-mécanique.

Je suis fâché que l’auteur[3] des Institutions physiques abandonne quelquefois Newton pour Leibnitz ; mais il faut aimer ses amis, de quelque parti qu’ils soient.

Adieu ; je vous prie de vous souvenir de moi avec tous vos amis. Vous savez que je vous aime et que je vous estime trop pour vous faire des compliments ordinaires. Ne m’oubliez pas auprès de madame Pitot. L’illustre Newto-leibnitzienne va vous écrire.


11264. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
À Bruxelles, le 6 avril.

Monseigneur, j’ai reçu le paquet du 18 mars dont Votre Altesse royale m’a honoré. Vous êtes fait assurément pour les choses uniques, et c’en est une que, dans la crise où vous avez été, vous ayez pu faire des choses qui demandent le plus grand recueillement d’esprit. Tout ce que vous dites sur la patience est d’un grand héros et d’un grand génie ; c’est une des plus belles

  1. Richelieu fut reçu à l’Académie des sciences en 1731, sept ans après Pitot.
  2. Voyez le commencement de la lettre 1227.
  3. Mme du Châtelet.