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hebdomadaire vous a apparemment insulté pour vendre sa feuille de quatre sous ; mais ces araignées, qui tendent leurs filets pour prendre des moucherons, ne font point de mal aux abeilles qui passent, chargées de miel, auprès de leur vilaine toile, et qui quelquefois la détruisent d’un coup d’aile et font tomber par terre le monstre venimeux, qu’on écrase sous les pieds : voilà le sort de ces critiques. Le vôtre sera d’être estimé et aimé des honnêtes gens. Mme la marquise du Châtelet pense comme moi sur votre tragédie.

Je serais charmé que cette occasion pût servir à me procurer quelquefois de vos nouvelles et de vos ouvrages. Vous ne pourriez en faire part à quelqu’un qui y prit plus d’intérêt.

Je suis, monsieur, avec la plus sincère estime et une envie extrême d’être au rang de vos amis, votre, etc.


1258. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON.
À Bruxelles, ce 30 mars.

C’est une chose plaisante, monsieur, que la tracasserie qu’on m’avait voulu faire avec M. de Valori, à Berlin et à Paris. J’entrevois que quelqu’un, qui veut absolument se mêler des affaires d’autrui, a mis dans sa tête de détruire M. de Valori et moi dans l’esprit du prince royal, et ce n’est pas la première niche qu’on m’a voulu faire dans cette cour. J’ai beau vivre dans la plus profonde retraite, et passer mes jours avec Euclide et Virgile, il faut qu’on trouble mon repos.

Je crois connaître assez le prince royal pour espérer qu’il en redoublera de bontés pour moi ; et que, si on a voulu lui inspirer des sentiments peu favorables pour notre ministre, il ne sentira que mieux son mérite. C’est un prince qui unira, je crois, les lettres et les armes, qui s’accommodera en homme juste pour Berg et Juliers, si on lui fait des propositions honorables, et qui défendra ses droits, dans l’occasion, avec de vrais soldats, sans avoir des géants inutiles.

Je serais fort étonné si le roi son père revenait de sa maladie. Il faut qu’il soit bien mal, puisqu’il est défendu en Prusse de parler de sa santé ni en mal ni en bien.

Lorsque vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, au sujet de M. de Valori, je venais de recevoir une lettre d’une de mes nièces[1], femme d’un commissaire des guerres à Lille, qui m’instruisait

  1. Mme Denis.