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qui doit être dans le cabinet de Louis XV. M. Hardion le connaît sans doute ; mais je n’ose en demander communication.

Sur les affaires de l’Église, j’ai tout le fatras des injures de parti, et je tâcherai d’extraire une once de miel de l’absinthe des Jurieu, des Quesnel, des Doucin, etc.

Pour le dedans du royaume, j’examine les mémoires des intendants, et les bons livres qu’on a sur cette matière. M. l’abbé de Saint-Pierre a fait un journal[1] politique de Louis XIV, que je voudrais bien qu’il me confiât. Je ne sais s’il fera cet acte de bienfaisance[2] pour gagner le paradis.

À l’égard des arts et des sciences, il n’est question, je crois, que de tracer la marche de l’esprit humain en philosophie, en éloquence, en poésie, en critique ; de marquer les progrès de la peinture, de la sculpture, de la musique, de l’orfèvrerie, des manufactures de tapisserie, de glaces, d’étoffes d’or, de l’horlogerie. Je ne veux que peindre, chemin faisant, les génies qui ont excellé dans ces parties. Dieu me préserve d’employer trois cents pages à l’hstoire de Gassendi ! La vie est trop courte, le temps trop précieux, pour dire des choses inutiles.

En un mot, monsieur, vous voyez mon plan mieux que je ne pourrais vous le dessiner. Je ne me presse point d’élever mon bâtiment :

· · · · · · · · · · · · · · · Pendent opera interrupta, minæque
Murorum ingentes
· · · · · · · · · · · · · · ·


Si vous daignez me conduire, je pourrai dire alors :

· · · · · · · · · · · · · · · Equataque machina cœlo.

(Ænid., lib. IV, v. 88.)


Voyez ce que vous pouvez faire pour moi, pour la vérité, pour un siècle qui vous compte parmi ses ornements.

À qui daignerez-vous communiquer vos lumières, si ce n’est à un homme qui aime sa patrie et la vérité, et qui ne cherche à écrire l’histoire ni en flatteur, ni en panégyriste, ni en gazetier, mais en philosophe ? Celui qui a si bien débrouillé le chaos de l’origine des Français m’aidera sans doute à répandre la lumière

  1. Les Annales politiques, par l’abbé de Saint-Pierre, dont la première édition est de 1757, deux volumes in-8o.
  2. On fait communément honneur de ce mot à l’abbé de Saint-Pierre ; mais Palissot, dans ses Mémoires, dit que c’est Balzac qui est le créateur du mot bienfaisance. (B.)