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sans vous trouver auprès d’Hébert[1] ; je vous supplie de passer chez lui, et de voir une écritoire de Martin[2] que nous faisons faire pour la présenter au prince royal. Voyez si elle vous plaît. Le présent est assez convenable à un prince comme lui : c’est Soliman[3] qui envoie un sabre à Scanderbeg ; mais ce maudit Hébert me fait attendre des siècles. Le roi de Prusse se meurt ; et, s’il est mort avant que ma petite écritoire arrive, ma galanterie sera perdue. Il n’y a pas trop de bonne grâce à donner à un roi qui peut rendre beaucoup. Cet air intéressé ôterait tout le mérite de l’écritoire.

Vous devriez bien me dire quelques nouvelles des spectacles ; ils m’intéressent toujours, quoique je sois à présent tout hérissé des épines de la philosophie.

Mais vous ne me mandez jamais rien de ce qui vous regarde, rien sur votre vessie ni sur vos plaisirs ; je m’intéresse à tout cela plus qu’à tous les spectacles du monde. Allez-vous toujours les matins vous ennuyer en robe à juger des plaideurs ?


1252. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE[4].
Mars.

Monseigneur, il nous arrive dans le moment une écritoire[5] que Mme du Châtelet, et moi, indigne, comptions avoir l’honneur de présenter à Votre Altesse royale pour ses étrennes. Le ministre[6] qui, selon votre très-bonne plaisanterie, est prêt à vous prendre souvent pour un bastion ou pour une contrescarpe, vous offrirait une coulevrine ou un mortier ; mais nous autres êtres pensants, nous présentons en toute humilité à notre chef l’instrument avec lequel on communique ses pensées. Je l’ai adressée à Anvers ; elle part aujourd’hui, et d’Anvers elle doit aller à Wesel à l’adresse de M. le baron de Borcke, ou, à son défaut, au commandant de la place, pour être remise à Votre Altesse royale. Ce

  1. Voyez tome XXXIV, pages 274 et 309.
  2. Voyez tome V, page 60 ; et tome X, page 271.
  3. Mahomet II. Voyez la lettre 883.
  4. Cette lettre de Voltaire, dans l’édition de Beuchot et dans celle de Preuss, est datée du mois de décembre 1738 ; mais d’une part, dans sa lettre du 12 mars 1740, Voltaire supplie d’Argental de passer chez Hébert pour presser l’écritoire destinée à Frédéric ; d’autre part, les remerciements de Frédéric pour l’écritoire sont datés du 21 mars 1740 : la place approximative qui doit lui être assignée est donc celle que nous lui donnons ici.
  5. Dont il est question dans la lettre précédente.
  6. M. de Valori ; voyez le quatrième alinéa de la lettre 1217.