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sa tragédie cet hiver ; on dit qu’il l’a beaucoup corrigée. Je n’en sais rien, je ne l’ai point encore vu ; je n’ai vu personne. Tout ce que je sais, c’est que s’il travaille et s’il est honnête homme, je lui rends toute mon amitié.

Je vais chercher Formont dans le palais de Plutus[1] ; je vais lui parler de vous. Il n’aura peut-être pas la tête tournée, comme l’ont tous les gens de ce pays-ci, qui ne parlent que de feux d’artifice et de fusées volantes, et d’une Madame[2] et d’un Infant qu’ils ne verront jamais. Les hommes sont de grands imbéciles ! Tout le monde paraît occupé profondément d’une marmotte qui n’est point jolie ; mais il faut leur pardonner.

Depuis que le père de la mariée est amoureux[3], on dit que tout le monde est gai, et qu’il y a du plaisir, même à Versailles.

Chimon aima, puis devint honnête homme[4].

Bonjour, mon ancien ami ; je vais courir par cette grande ville, et chercher, pour un mois, quelque gîte tranquille où je puisse vous écrire quelquefois. Que dites-vous de Voltaire, qui a des meubles à Bruxelles, et qui loge en chambre garnie à Paris ? Si vous avez quelques ordres à me donner, adressez-les à l’hôtel de Richelieu, Je vous embrasse tendrement.


1196. — À MADEMOISELLE QUINAULT.
Samedi, septembre 1739, à l’hôtel Richelieu.

Adorable Thalie, j’ai une pièce de résistance à vous donner, et vous me demanderiez de la crème fouettée ! J’ai relu Mahomet, j’ai relu Zulime ; cette Zulime est bien faible, et l’autre est peut-être ce que j’ai fait de moins mal. J’espère que la bonne foi avec laquelle je condamne mon Africaine servira à faire passer le peu de bien que j’ose penser de mon prophète.

Enfin voilà Mahomet. Lamare, qui a su ce secret comme il avait extorqué celui de l’Enfant prodigue, nous gardera la même fidélité ; il l’a lu, il s’y connaît : je le pense ainsi, car il en est tout enthousiasmé, et il espère un long succès.

Vous craignez les horreurs : eh bien ! chef aimable de mon

  1. Formont s’était fait sous-fermier en 1738.
  2. Louise-Elisabeth, née en 1727, fille de Louis XV ; mariée, le 20 auguste 1739, à don Philippe, né en 1720, l’un des fils du roi d’Espagne Philippe V. (Cl.)
  3. Amoureux de la comtesse de Mailly. Voyez page 315.
  4. Vers 24 de la Courtisane amoureuse, conte de La Fontaine, liv. III.