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partiennent. Il y a, comme vous savez, beaucoup de princes à Bruxelles, et peu d’hommes. On entend à tout moment : Votre Altesse, Votre Excellence. Mme du Châtelet ne sera princesse que quand sa généalogie sera imprimée ; mais, fût-elle bergère, elle vaut mieux que tout Bruxelles. Elle est plus savante que jamais ; et, si sa supériorité lui permet encore de baisser les yeux sur moi, ce sera une belle action à elle, car elle est bien haute. Il faut qu’elle cligne les yeux en regardant en bas pour me voir. On va souper ; adieu, cher gros chat. J’embrasse vos pattes de velours.


1193. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
À Bruxelles, 1er septembre

Ce nectar jaune de Hongrie
Enfin dans Bruxelle est venu ;
Le duc d’Aremberg l’a reçu
Dans la nombreuse compagnie
Des vins dont sa cave est fournie ;
Et quand Voltaire en aura bu
Quelques coups avec Émilie,
Son misérable individu,
Dans son estomac morfondu
Sentira renaître la vie ;
La faculté, la pharmacie,
N’auront jamais tant de vertu.
Adieu, monsieur de Superville[1] ;
Mon ordonnance est du bon vin,
Frédéric est mon médecin,
Et vous m’êtes fort inutile.
Adieu ; je ne suis plus tenté
De vos drogues d’apothicaire,
Et tout ce qui me reste à faire,
C’est de boire à votre santé.

Monseigneur, c’est M. Schilling qui m’apprit, il y a quelques jours, la nouvelle du débarquement de ce bon vin, dans la cave du patron de cette liqueur ; et M. le duc d’Aremberg nous donnera ce divin tonneau, à son retour d’Enghien ; mais la lettre de Votre Altesse royale, datée du 26 juin, et rendue par ledit M. Schilling, vaut tout le canton de Tokai.

Ô prince aimable et plein de grâce,
Parlez ; par quel art immortel,

  1. Voyez la fin de la lettre 1178.