Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Votre ânie, à tous les arts par son penchant formée,
Par vingt ans de travaux fonda sa renommée ;
Sous les yeux d’Émilie, élève de Newton,
Vous effacez de Thou, vous surpassez Maron.
En tout genre d’écrits, en toute carrière,
C’est le même soleil et la même lumière.
Cet esprit, ces talents, ces qualités du cœur,
Peuvent plus sur mes sens que tout ambassadeur[1].

Je suis avec une estime parfaite, mon cher Voltaire, votre très-affectionné ami,

Fédéric.

Si vous voyez le duc d’Aremberg, faites-lui bien mes compliments, et dites-lui que deux lignes françaises de sa main me feraient plus de plaisir que mille lettres allemandes, dans le style des chancelleries.


1188. — À FREDERIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE
(Bruxelles), 12 août[2].

Monseigneur, j’ai pris la liberté d’envoyer à Votre Altesse royale le second acte de Mahomet, par la voie des sieurs David Gérard et compagnie. Je souhaite que les Musulmans réussissent auprès de Votre Altesse royale, comme ils font sur la Moldavie. Je ne puis au moins mieux prendre mon temps pour avoir l’honneur de vous entretenir sur le chapitre de ces infidèles, qui font plus que jamais parler d’eux.

Je crois à présent Votre Altesse royale sur les bords où l’on ramasse ce bel ambre dont nous avons, grâce à vos bontés, des écritoires, des sonnettes, des boîtes de jeu. J’ai tout perdu au brelan, quand j’ai joué avec de misérables fiches communes ; mais j’ai toujours gagné, quand je me suis servi des jetons de Votre Altesse royale.

C’est Frédéric qui me conduit,
Je ne crains plus disgrâce aucune :
Car il préside à ma fortune,
Comme il éclaire mon esprit.

Je vais prier le bel astre de Frédéric de luire toujours sur moi, pendant un petit séjour que je vais faire à Paris, avec la

  1. Ces quatre derniers vers, omis par Beuchot, sont tirés des Œuvres posthumes.
  2. La réponse à cette lettre est du 9 septembre suivant.