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d’Aristippe. Notre première philosophic est ici de jouir de tous les agréments qu’on peut se procurer. Nous saurions très-bien nous en passer ; mais nous savons aussi en faire usage, et peut-être, si vous veniez à Cirey, préféreriez-vous la douceur de ce séjour à toutes les infâmes cabales des gens de lettres, au brigandage des journaux, aux jalousies, aux querelles, aux calomnies, qui infestent la littérature. Il y a des têtes couronnées, mon cher abbé, qui ont envoyé dans cet ermitage de Mme du Châtelet leurs favoris pour venir l’admirer, et qui voudraient y venir eux-mêmes ; et, si vous y veniez, nous en serions tout aussi flattés. La visite du sage vaut celle des princes.

Adieu ; je ne vous écris point de ma main, je suis malade ; je vous embrasse tendrement. Adieu, mon ami et mon maître.


944. — À M. THIERIOT[1].
Ce 22 octobre, à Cirey.

Je reçois, mon cher Thieriot, votre lettre du 12 par l’autre voie, avec une lettre du prince qui me comble de joie ; il peut arriver très-bien que je le voie en 1739, et que vous ayez un établissement aussi assuré qu’agréable. Gardez un profond secret.

Les vers de ce misérable Rousseau, dans lesquels il ose maltraiter M. de La Popelinière, ne sont qu’une suite d’autres vers presque aussi mauvais, que Bonneval a envoyés à Rousseau, dans lesquels il parlait indignement de M. et de Mme de La Popelinière, à propos de musique et de Rameau.

Je voudrais qu’on fît un exemple de ces gredins obscurs, qui ont l’impertinence d’attaquer ce qu’il y a de plus estimable dans le monde. Quant à Bonneval, que vous m’apprenez être précepteur chez M. de Montmartel, je ne crois pas qu’il y reste longtemps. Il ne tient qu’à vous de contribuer à le punir : faites tenir le paquet ci-inclus à M. de Montmartel, et datez mes lettres. Souvenez-vous bien qu’en votre présence et devant notre ami Berger, Latour m’a dit tout ce que je lui rappelle dans ma lettre. Faites-vous confirmer ces faits par Latour, et ensuite faites rendre à M. de Montmartel mon paquet. Conduisez-vous dans cette affaire avec la même prudence que dans celle de Dalainval, et vous réussirez de même. Est-il vrai que ce coquin de Dalainval est hors de la Bastille ? Rafraîchissez la mémoire à Latour, afin

  1. Éditeurs, Bavoux et François.