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« You learn english, for ought I know. Go on ; your lot is to be eloquent in every language, and master of every science. I love, I esteem you, I am yours for ever[1]. »

Je vous ai écrit en faveur d’un jeune homme[2] qui me paraît avoir envie de s’attacher à vous. J’ai mille remerciements à vous faire ; vous avez remis dans mon paradis les tièdes que j’avais de la peine à vomir de ma bouche[3]… Cette tiédeur m’était cent fois plus sensible que tout le reste[4]. Il faut à un cœur comme le mien des sentiments vifs, ou rien du tout.

Tout Cirey est à vous.


1150. — M. DE SAINT-HYACINTHE À M. DE BURIGNY.
À Belleville, le 2 mai 1739.

Je vous renvoie, monsieur, le manuscrit que vous m’avez fait la grâce de me confier. Vous croyez peut-être que je l’ai lu avec plaisir : vous ne vous trompez pas ; mais si vous concluez que j’ai été content après l’avoir lu, vous vous trompez. Charmé de ce que j’avais vu, je n’ai que mieux senti le besoin que j’avais du reste ; au plaisir de la lecture a succédé beaucoup de colère contre l’auteur.

Votre indolence, monsieur, ou, pour parler plus franchement, votre paresse, doit exciter contre vous tous ceux qui savent juger de ce que vous êtes capable de faire. Si vous êtes assez indifférent à la gloire pour dédaigner les applaudissements qui vous reviendraient de la perfection de cet ouvrage, la justice que le public vous a rendue sur ce que vous lui avez donné vous engage à lui donner encore une chose qu’il attend et qu’il souhaite avec impatience. Personne n’a remonté avec plus de justesse ni avec plus de finesse jusqu’aux sources, personne ne les a expliquées avec plus de délicatesse et d’exactitude. Je vais ameuter tous vos amis pour vous persécuter jusqu’à ce que vous ayez donné l’ouvrage complet. Je mettrai à la tête cette comtesse sur les lèvres de laquelle les Grâces ont mis la persuasion ; après quoi nous verrons si nous vous laisserons être à votre aise paresseux pour quelque temps.

Vous m’avez rendu justice, monsieur, lorsque vous avez assuré que je n’étais en nulle liaison avec l’auteur de la Voltairomanie, quel qu’il soit ; et je vous proteste encore à présent que je n’ai point lu cette pièce en son entier. J’y jetai simplement les yeux, parce qu’on me dit que l’auteur m’y

  1. Traduction : Vous apprenez l’anglais, à ce qu’il me parait. Continuez ; votre destin est d’être éloquent dans toutes les langues, et maître dans toutes les sciences. Je vous aime, je vous estime, et je suis à vous pour toujours.
  2. D’Arnaud.
  3. Apocalypse, iii, 16.
  4. Cette phrase, qui semble avoir subi quelque altération, est relative à Thieriot. (Cl.)