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l’argent pour les retirer : je lui en aurais envoyé si votre ami ne m’avait assuré l’avoir fait ; mais, s’il ne l’a pas fait, je lui enverrai cent écus qu’il lui faut pour cela, à condition qu’il vous remettra tous les exemplaires et autres choses, pour nous mettre en repos.

Mon cher ami, vous nous manderez la réussite de ce que nous vous envoyons, et vous nous tranquilliserez.

Nous partons, mais ce ne sera pas sans vous le mander ; ainsi, nous comptons recevoir encore de vos nouvelles.

Si vous voyiez les états où toutes ces misères mettent votre ami, vous excuseriez ma douleur et mes inquiétudes. S’il pensait comme moi, il ne s’en soucierait guère. Je lui ai dérobé la connaissance de toutes les brochures qui ont paru depuis la Voltairomanie ; je voudrais lui cacher l’horreur de ses libraires de Hollande ; il serait au désespoir. Priez M. de Meinières de ne se point lasser de m’obliger. Mon Dieu ! que j’ai envie de le connaître et de le remercier !

Pour vous, mon cher ami, quels termes vous exprimeront jamais mon amitié et ma reconnaissance ?

Nous avons relu Zulime ; nous avons fondu en larmes ; elle est digne de vos soins. Je crois que, dans les circonstances présentes, il serait prudent de la donner. On corrigera tout ce que vous voudrez.

Il faut que M. de Meinières se dépèche, parce qu’on a mandé au Mouhy de rendre la lettre. Ce Mouhy est un bon garçon, trop zélé, et qu’il faut ménager.


1149. — À M. HELVÉTIUS.
Ce 29 avril.

Mon cher ami, j’ai reçu de tous une lettre sans date, qui me vient par Bar-sur-Aube, au lieu qu’elle devait arriver par Vassy. Vous m’y parlez d’une nouvelle Èpitre[1] : vraiment, vous me donnez de violents désirs ; mais songez à la correction, aux liaisons, à l’élégance continue : en un mot, évitez tous mes défauts. Vous me parlez de Milton ; votre imagination sera peut-être aussi féconde que la sienne, je n’en doute même pas ; mais elle sera aussi plus agréable et plus réglée. Je suis fâché que vous n’ayez lu ce que j’en dis que dans la malheureuse traduction[2] de mon Essai anglais. La dernière édition de la Henriade, qu’on trouve chez Prault, vaut bien mieux ; et je serais fort aise d’avoir votre avis sur ce que je dis de Milton dans l’Essai qui est à la suite du poëme.

  1. C’était probablement l’Épître sur l’Orgueil et la Paresse de l’esprit.
  2. Cette traduction, de l’abbé Desfontaines, parut en 1728, avec le titre d’Essai sur la Poésie épique ; mais Voltaire, traduisant lui-même son premier Essai composé en anglais, le corrigea, l’augmenta, et le divisa en neuf chapitres dont le dernier est consacré à Milton ; voyez tome VIII.