Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion ; en un mot, je ne vois pas que le chevalier de Mouhy risque rien en demandant une permission tacite. Vous sentez bien qu’il serait cruel de me refuser la permission d’une défense si légitime contre des attaques si odieuses.

Si vous trouvez l’écrit encore trop fort, voudrez-vous bien passer un quart d’heure de votre temps à y mettre en marge des coups de crayon ? J’entendrai bien vos réflexions à demi-mot. Voilà comme il en faudrait user avec Zulime. Vous n’auriez qu’à renvoyer les deux manuscrits à deux ordinaires l’un de l’autre, à l’adresse de Mme du Châtelet. Vous pouvez faire tenir le tout à Mme de Champbonin, au bureau des fortifications, rue du Hasard, chez M. de Nemsau, directeur des fortifications du royaume, lequel contresigne pour M. le maréchal d’Asfeld.

J’attends vos ordres, mon cher ange. On me mande que ces deux chapitres sur le Siècle de Louis XIV pourraient me faire des affaires. Ah ! mon cher ami, où faut-il donc aller ? Quoi ! un monument que j’ai cru élever à la gloire de la France ne servirait qu’à m’écraser ! Émilie, pourquoi êtes-vous Française ? … liberté ! … Adieu.


1144. — À M. THIERIOT.
À Cirey, le 23 avril.

Je reçois le 21 une lettre de vous du 12 : cela n’est pas extraordinaire, si vous êtes négligent à envoyer à la poste, ou bien s’il y a des gens à la poste très-diligents à s’informer des secrets de leurs chers concitoyens.

Je vous prie de faire une petite réflexion avec moi : qui pourrait faire des épigrammes contre Danchet et contre l’abbé d’Olivet, si ce n’est l’abbé Desfontaines ? Croyez-vous que, s’il y en a contre vous, elles partent d’une autre source ? L’abbé Desfontaines fait plus de vers qu’on ne pense ; il en a fait incognito toute sa vie, et je sais qu’il est l’auteur de l’épigramme ancienne contre le cardinal de Fleury, dans laquelle il y a un bon vers qu’on m’a fait le cruel honneur de m’imputer :

Fourbe dans le petit, et dupe dans le grand[1].

  1. Si Desfontaines a fait ce vers, c’est son chef-d’œuvre en poésie ; mais que Voltaire soit ou ne soit pas le véritable auteur de l’épigramme qu’il lui attribue, la voici en entier ; elle peint bien, sous plusieurs rapports, le vieux ministre à chapeau rouge :
    Du passé conservant un léger souvenir ;
    Ébloui du présent, sans prévoir l’avenir ;