Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tient peut-être pas deux pieds cubes et ne pèse peut-être pas deux onces.

Le fait est que Romer a très-bien démontré, malgré les Maraldi, que la lumière vient du soleil à nous en sept minutes et demie ; et, d’un autre côté, Newton a démontré qu’un corps qui se meut dans un fluide de même densité que lui perd la moitié de sa vitesse après avoir parcouru trois fois son diamètre, et bientôt perd toute sa vitesse : donc il résulte que la lumière, en pénétrant un fluide plus dense qu’elle, perdrait sa vitesse beaucoup plus vite, et n’arriverait jamais à nous ; donc elle ne vient qu’à travers l’espace le plus libre.

De plus, Bradley a découvert que la lumière qui vient de Sirius à nous n’est pas plus retardée dans son cours que celle du soleil. Si cela ne prouve pas un espace vide, je ne sais pas ce qui le prouvera.

Votre idée, monseigneur, de réfuter Machiavel est bien plus digne d’un prince tel que vous que de réfuter de simples philosophes : c’est la connaissance de l’homme, ce sont ses devoirs qui font votre étude principale ; c’est à un prince comme vous à instruire les princes. J’oserais supplier, avec la dernière instance, Votre Altesse royale de s’attacher à ce beau dessein, et de l’exécuter.

Cette bonté que vous conservez, monseigneur, pour la Henriade ne vient sans doute que des idées très-opposées au machiavélisme que vous y avez trouvées. Vous avez daigné aimer un auteur également ennemi de la tyrannie et de la rébellion. Votre Altesse royale est encore assez bonne pour m’ordonner de lui rendre compte des changements que j’ai faits[1]. J’obéis.

1° Le changement le plus considérable est celui du combat de d’Ailly[2] contre son fils. Il m’a paru que cette aventure, touchante par elle-même, n’avait pas une juste étendue, qu’on n’emeut point les cœurs en ne montrant les objets qu’en passant. J’ai tâché de suivre le bel exemple que Virgile donne dans Misus et Euryale. Il faut, je crois, présenter les personnages assez longtemps aux yeux pour qu’on ait le temps de s’y attacher. J’aime les images rapides, mais j’aime à me reposer quelque temps sur des choses attendrissantes.

Le second changement le plus important est au dixième chant. Le combat de Turenne et d’Aumale me semblait encore

  1. Voyez les lettres 10533 et 1112.
  2. La Henriade, chant VIII.