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Servez-vous, s’il vous plait, de la voie de Michelet[1] pour me faire tenir vos lettres : c’est la meilleure de toutes.

Mandez-moi, je vous prie, des nouvelles de votre santé ; j’appréhende beaucoup que ces persécutions et ces affaires continuelles qu’on vous fait ne l’altèrent plus qu’elle ne l’est déjà. Je suis avec bien de l’estime, mon cher ami, votre très-affectionné et fidèle ami,

Fédéric.

1113. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON.
Le 24 mars.

J’envoie, monsieur, sous le couvert de monsieur votre frère[2], le commencement de l’Histoire du Siècle de Louis XIV. Elle ne sera pas plus honorée de la cire d’un privilège que les deux Épîtres[3] ; mais, si elle vous plaît, c’est là le plus beau des privilèges. Or, j’ai grande envie de vous plaire, et vous verrez que, si je n’en viens pas à bout, ce ne sera pas faute de travailler dans les genres que vous aimez. Laissez-moi faire, et vous serez au moins content de mes efforts.

Hélas : monsieur, est-il possible que le prix de tant de travaux soit la persécution ! et quelle persécution encore ! la plus acharnée et la plus longue. Il paraît que mon affaire contre Desfontaines prend un fort méchant train. N’importe, j’ai la gloire que vous avez daigné vous y intéresser : c’est la plus belle des réparations. Vous m’aimez. Desfontaines est assez puni.

Voilà comme la vengeance est douce. Mon cœur est pénétré de vos bontés pour jamais.


1114. — À M. THIERIOT.
Le 24 mars.

Un des meilleurs géomètres[4] de l’univers, et sans contredit aussi un des plus aimables hommes, quitte Cirey pour Paris ;

Et c’est la seule faute où tomba ce grand homme.

(La Mort de César, acte II, sc. iv.)
  1. Michelet était un marchand cité plus haut, dans la lettre 939, à Keyserlingk.
  2. Le comte d’Argenson, ministre de la guerre.
  3. Sur la Nature du Plaisir, et sur la Nature de l’Homme. Ce sont les cinquième et sixième Discours.
  4. Clairaut, que Voltaire cite encore, avec des éloges très-mérites, dans la lettre 1214. M. Lacroix dit dans la Biographie universelle, article Clairaut, que ce jeune savant alla avec Maupertuis à Bâle visiter Jean Bernouilli, qui était alors le Nestor des géomètres, et que, de retour à Paris, il se retira avec Maupertuis au Mont-Valérien pour s’y livrer plus entièrement à l’étude. Ce fut là que Mme du