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d’état, ambassadeur en Portugal. Dites-lui où en est l’affaire, et demandez-lui conseil et protection auprès du procureur du roi, que l’abbé Desfontaines a prévenu contre moi.

Je vous prie d’instruire M. d’Argental, par un mot de lettre, que j’ai un besoin extrême de protection auprès de M. Moreau, procureur du roi.


1090. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
28 février.

Monseigneur, je reçois la lettre de Votre Altesse royale du 3 février, et je lui réponds par la même voie. Nous avons sur-le-cbamp répété l’expérience de la montre dans le récipient ; la privation d’air n’a rien changé au mouvement qui dépend du ressort. La montre est actuellement sous la cloche ; je crois m’apercevoir que le balancier a pu aller peut-être un peu plus vite, étant plus libre dans le vide ; mais cette accélération est très-peu de chose, et dépend probablement de la nature de la montre. Quant au ressort, il est évident, par l’expérience, que l’air n’y contribue en rien ; et, pour la matière subtile de Descartes, je suis son très-humble serviteur. Si cette matière, si ce torrent de tourbillons va dans un sens, comment les ressorts qu’elle produirait pourraient-ils s’opérer de tous les sens ? Et puis qu’est-ce que c’est que des tourbillons ?

Mais que m’importe la machine pneumatique ? C’est votre machine, monseigneur, qui m’importe ; c’est la santé du corps aimable qui loge une si belle âme. Quoi ! je suis donc réduit à dire à Votre Altesse royale ce qu’elle m’a si souvent daigné dire : Conservez-vous ; travaillez moins. Vous le disiez, monseigneur, à un homme dont la conservation est inutile au monde ; et moi, je le dis à celui dont le bonheur des hommes doit dépendre. Est-il possible, monseigneur, que votre accident ait eu de telles suites ? J’ai eu l’honneur d’écrire à Votre Altesse royale par M. Plötz ; jai écrit aussi en droiture ; hélas ! je ne puis être au nombre de ceux qui veillent auprès de votre personne. Nisus et Euryalus[1] amuseront peut-être plus votre convalescence que ne feraient des calculs. Je ne m’étonne pas que le héros de l’amitié ait choisi un tel sujet ; j’en attends les premières scènes avec impatience. Scipion, César, Auguste, firent des tragédies, cur non Federicus ?

Votre Altesse royale me fait trop d’honneur ; elle oppose trop

  1. Voyez plus haut la lettre 1053.