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Vous le savez, grand Dieu ! languissante, affaiblie
Sous le poids des forfaits, je gémis de tout temps ;
Fédéric me console, il vous réconcilie
Avec mes habitants. »

Le Ciel entend la Terre, il exauce ses plaintes ;
Minerve, la Santé, les Grâces, les Amours,
Revolent vers mon prince, et dissipent nos craintes.
En assurant ses jours.

Rival de Marc-Aurèle, âme héroïque et tendre.
Ah ! si je peux former le désir et l’espoir
Que de mes jours encor le fil puisse s’étendre,
Ce n’est que pour vous voir.

Je suis né malheureux ; la détestable envie,
Le zèle impérieux des dangereux dévots,
Contre les jours usés de ma mourante vie
Arment la main des sots.

Un lâche[1] me trahit, un ingrat[2] m’abandonne,
Il rompt de l’amitié le voile décevant ;
Misérables humains, ma douleur vous pardonne ;
Fédéric est vivant.

Il les faut excuser, monseigneur, ces vers sans esprit, que le cœur seul a dictés au milieu de la crainte où je suis encore de votre danger, dans le même temps que j’avais la joie d’apprendre votre résurrection de votre propre main.

Votre Altesse royale est donc comme le cygne du temps passé ; elle chante au bord du tombeau. Ah ! monseigneur, que vos vers m’ont rassuré ! On a bien de la vie quand l’esprit fait de ces choses-là, après une crampe dans l’estomac. Mais, monseigneur, que de bontés à la fois ! Je n’ai de protecteurs que vous et Émilie. Non-seulement Votre Altesse royale daigne m’aimer, mais elle veut encore que les autres m’aiment. Eh ! qu’importent les autres ? Après tout, je n’aurai pas la malheureuse faiblesse de rechercher le suffrage de Vadius, quand je suis honoré des bontés de Fédéric ; mais le malheur est que la haine implacable des Vadius est souvent suivie de la persécution des Séjan.

Je suis en France parce que Mme du Châtelet y est ; sans elle, il y a longtemps qu’une retraite plus profonde me déroberait à la

  1. Desfontaines.
  2. Thieriot.