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à donner des vues nouvelles. Il arrive à presque tous ces illustres géomètres ce qui arrive à d’industrieux chimistes, qui, en cherchant la pierre philosophale, font de très-utiles opérations. Newton a ouvert une minière nouvelle ; il a trouvé un or que personne ne connaissait : les philosophes recherchent la semence de cet or, il n’y a pas apparence qu’ils la trouvent jamais.

Non-seulement le soleil gravite vers Saturne, mais Sirius gravite vers le soleil ; mais chaque partie de l’univers gravite ; et c’est bien en vain que les plus savants hommes veulent expliquer cette gravitation universelle par de petits tourbillons qu’ils supposent n’être pas pesants : toute matière a cette propriété. Voilà ce que Newton a enseigné aux hommes. Mais, encore une fois, savoir la cause de cette propriété n’est pas, je crois, le partage de l’humanité.

Les animaux ont ce que l’on appelle un instinct, les hommes ont ce qu’on appelle la pensée : comment ont-ils cette faculté ? Dieu, qui seul l’a donnée, sait seul comment il l’a donnée. Le grand principe de Leibnitz que rien n’existe sans une cause suffisante est très-vrai ; mais il est tout aussi vrai que les premiers ressorts de la nature n’ont pour cause suffisante que la volonté infiniment libre de l’Être infiniment puissant. La gravitation inhérente dans toutes les parties de la matière est dans ce cas ; et toute la nature nous crie, comme l’avouent MM. S’Gravesande et Musschenbroeck, que cette gravitation ne dépend point des causes mécaniques ; tâchons d’en calculer les effets, d’en examiner les propriétés.

Nec propius fas est mortali attingere divos

(Halley.)

Pour moi, pénétré de ces vérités, je me suis bien donné de garde d’oser mêler le moindre alliage de système à l’or de Newton : je me suis contenté de rendre sensibles aux esprits peu instruits, mais attentifs, les effets de la gravitation démontrée, quelle qu’en puisse être la cause, effets qui seront éternellement vrais, soit qu’on reconnaisse la gravitation pour une qualité primordiale de la matière, soit qu’elle appartienne à quelque autre cause inconnue, et à jamais inconnue.

Quelques personnes d’esprit, qui n’ont pas eu le courage de s’appliquer à la philosophie, donnent pour excuse de leur paresse que ce n’est pas la peine de s’attacher à un système qui passera comme nos modes, ils ont ouï dire que l’école ionique a combattu l’école de Pythagore ; que Platon a été opposé à Épicure ;