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je vous prie, qu’il fasse tout ce que Mme de Champbonin lui dira, comme je fais tout ce que vous me dites.

Adieu. J’ai le cœur percé de tout cela ; mais aussi il est pénétré de tendresse et de reconnaissance pour vous. V.

P. S. L’abbé d’Olivet doit vous avoir envoyé le commencement de l’Essai sur Louis XIV. Ne vous effrayez point de l’article de Rome : on le corrigera ; il sera très-décent, sans rien perdre de la vérité.

Donnez vos ordres à Zulime. À propos, l’abbé d’Olivet, qui a vu mon mémoire, me dit : « Il est écrit avec une simplicité meilleure en pareil cas que de l’oratoire. »


1071. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
À Cirey, le 15 février[1].

Monseigneur, j’ai reçu les étrennes. Je vous en ai donné en sujet, et Votre Altesse royale m’en a donné en roi. Votre lettre[2] sans date, vos jolis vers :

Quelque démon malicieux
Se joue assurément du monde, etc.


ont dissipé tous les nuages qui se répandaient sur le ciel serein de Cirey. Les peines viennent de Paris, et les consolations viennent de Remusberg. Au nom d’Apollon, notre maître, daignez me dire, monseigneur, comment vous avez fait pour connaître si parfaitement des états de la vie qui semblent être si éloignés de votre sphère ? Avec quel microscope les yeux de l’héritier d’une grande monarchie ont-ils pu démêler toutes les nuances qui bigarrent la vie commune ? Les princes ne savent rien de tout cela ; mais vous êtes homme autant que prince.

L’abbé Alary demandait un jour à notre roi permission d’aller à la campagne pour quelques jours, et de partir sur-le-champ. « Comment ! dit le roi, est-ce que votre carrosse à six chevaux est dans la cour ? » Il croyait alors que tout le monde avait un carrosse à six chevaux, au moins.

Vous me feriez croire, monseigneur, à la métempsycose. Il faut que votre âme ait été longtemps dans le corps de quelque particulier fort aimable, d’un La Rochefoucauld, d’un La Bruyère.

  1. La réponse à cette lettre est datée du 8 mars suivant.
  2. Cette lettre n’est pas dans la Correspondance.