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me disiez : Voici ce que j’ai écrit au prince, je saurais alors que lui mander ; mais vous me liez les mains.

Vous m’écrivez mille choses vagues ; il faut des faits. Vous avez fait une faute presque irréparable dans tout ceci. Vous auriez tout prévenu d’un seul mot. Vous vous seriez fait un honneur infini, en vous joignant à mes amis, en parlant vous-même à monsieur le chancelier, en confirmant vos lettres, qui déposent le fait de l’ApoIogie de Voltaire, en 1725 ; en ne craignant point un coquin qui vous a insulté publiquement ; voilà ce qu’il fallait faire. Il est temps encore ; monsieur le chancelier décidera seul de tout cela. Mais que faut-il faire à présent ? Ce que M. d’Argenson, l’aîné ou le cadet, ce que Mme de Champbonin, ce que M. d’Argental, vous diront, ou plutôt ce que votre cœur vous dira. En un mot, il ne faut pas réduire votre ami à la nécessité de vous dire : Rendez-moi le service que des indifférents me rendent.

Tout va très-bien, malgré les dénonciations contre les Lettres philosophiques et contre l’Èpitre à Uranie, par lesquelles Desfontaines a consommé ses crimes. J’aurai, je crois, justice par monsieur le chancelier ; je l’ai déjà par le public. J’eusse été heureux si vous aviez paru le premier ; mais je suis consolé, si vous revenez de bonne foi, et si vous reprenez votre véritable caractère.

Mon Mémoire est infiniment approuvé ; mais je ne veux point qu’il paraisse sitôt. Je ne ferai rien sans l’aveu de monsieur le chancelier, et sans les ordres secrets de M. d’Argenson.


1068. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 12 (février 1739).

Mon cher abbé, quand toute cette affaire de Desfontaines, dont j’aurai, je crois, raison, sera finie, je vous parlerai d’affaires. En attendant, je vous réitère ce que je vous mandais par ma dernière, qu’il faut suspendre le procès et conserver les preuves.

Je vous apprends que MM. d’Argenson, conseillers d’État, dont l’un est à la tête de la littérature, sont nos protecteurs dans cette affaire ; que monsieur l’avocat général, fils de M. d’Aguesseau, s’intéresse pour moi auprès de son père ; que M. le chancelier a déjà commencé même à agir.

Mais voici ce qu’il faut faire pour consommer l’ouvrage. Il faut vous joindre à M, Mignot, à M. de Montigny, à Mme de Champ-

  1. Édition Courtat.