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gaieté de cœur une ennemie respectable ? Pourquoi me forcer à me jeter à ses pieds pour l’apaiser ? Et comment l’apaiser, quand elle apprend que vous vous vantez d’avoir écrit à Mme la marquise du Châtelet avec dignité, et qu’enfin vous envoyez un factum contre elle au prince ? À quoi me réduisez-vous ? Pourquoi me mettre ainsi en presse entre elle et vous ? Je me soucie bien de l’abbé Desfontaines ; voilà un plaisant scélérat, pour troubler mon repos ! Si vous saviez à quel point les hommes de Paris les plus respectables pressent la vengeance publique contre ce monstre, vous seriez bien honteux d’avoir balancé, d’avoir cru des personnes qui vous ont inspiré la neutralité et la décence. Non, l’abbé Desfontaines n’est rien pour moi ; mais j’avais le cœur percé que mon ami de vingt-cinq ans, mon ami outragé par ce monstre, ne fit pas au moins ce qu’a fait Mme de Bernières,

Il ne s’agit entre nous que de faits, et le fait est que vous avez alarmé tous mes amis. Mme de Champbonin, qui a beaucoup d’esprit, qui écrit mieux que moi, et que vous connaissez bien peu ; Mme de Champbonin vous écrivit avec effusion de cœur[1], et sans me consulter. M. du Châtelet vous écrivit, à ma prière, au sujet des souscriptions, non pas des souscriptions dont vous, dissipâtes l’argent, chose que je n’ai jamais dite à personne, et que Mme du Châtelet a avouée à un seul homme dans sa douleur, mais au sujet de quelques souscriptions à rembourser ; je vous ai parlé sur cela assez à cœur ouvert. Jamais en ma vie, encore une fois, je n^ai parlé à qui que ce soit des souscriptions mangées[2]. Il ne s’agissait que de rembourser une ou deux personnes que vous pourriez rencontrer. Voyez que de malentendus ! et tout cela pour avoir été un mois sans m’écrire, quand tout le monde m’écrivait ; tout cela, pour avoir fait le politique, quand il fallait être ami ; pour avoir mis un art, qui vous est étranger, où il ne fallait mettre que votre naturel, qui est bon et vrai. Ne laissez point ainsi frelater votre cœur, et donnez-le-moi tel qu’il est.

Vous me parlez d’une disgrâce auprès du prince, que vous, craignez que je ne vous attire. Eh ! morbleu, ne voyez-vous pas que je ne lui écris point sur tout cela parce que je ne sais que lui mander, après votre malheureuse lettre ? Encore une fois, et cent fois, vous me mettez entre Mme du Châtelet et vous. Si vous

  1. Voyez une note de la lettre 1033.
  2. Voyez la lettre 1031,